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Yslaire, Frantzen, Hong Yeon-Sik & Ancco : " Les passerelles entre nos univers sont bien plus importantes qu’on ne l’imagine "

Par Charles-Louis Detournay le 28 septembre 2015                      Lien  
Pour la seconde fois, le centre culturel coréen de Bruxelles accueille une rencontre d'auteurs belges et coréens. Une exposition enrichissante à découvrir jusqu'au 30 octobre 2015.

Certains éditeurs n’ont pas hésité à traduire très tôt des auteurs coréens, mais on remarque qu’ils sont encore minoritaires dans nos librairies face aux mangakas. Yslaire, aviez-vous eu l’occasion de noter les particularités des manhwas avant cette exposition qui réunit vos œuvres ?

Yslaire : Je ne connais pas beaucoup d’auteurs coréens, car ils ne sont malheureusement qu’encore peu traduits en Europe. En revanche, j’ai eu l’occasion de partir en Corée pour réaliser un drawing show en ouverture d’un festival. J’étais associé avec Jung Gi Kim, le dessinateur prodige [1] qui a réalisé SpyGames avec JD Morvan. Là-bas, j’ai donc pu découvrir beaucoup d’auteurs de manwhas ainsi que leur travail dans les meilleures conditions possibles . Avec les interprètes, nous avons pu créer un vrai échange, autant sur nos techniques de travail que sur les conditions dans lesquelles nous pouvons professer.

Yslaire, Frantzen, Hong Yeon-Sik & Ancco : " Les passerelles entre nos univers sont bien plus importantes qu'on ne l'imagine "
L’exposition au Centre culturel coréen

Qu’avez-vous tiré de ces échanges avec ces auteurs coréens ?

Yslaire : La première leçon que j’ai tirée, c’est que nous avons beaucoup de chance concernant le statut de considération que nous avons en Europe, et nous avons souvent tendance à l’oublier. Deuxièmement, le webtoon est dominant en Corée, jusqu’à étouffer la production des albums eux-mêmes, alors que ce genre est presque inexistant chez nous. Et les albums qui sont finalement édités ressemblent plutôt à nos indépendants, avec des récits intimistes et artistiques.

Lors de ces rencontres, on perçoit mieux l’universalité de notre langage. Car la force de la bande dessinée, avant le texte, ce sont les images qui racontent. J’ai ainsi pu découvrir une exposition sur Je suis communiste de Kun-Woong Park [2] : sans comprendre les bulles, l’histoire reste limpide ! Et en demandant à le rencontrer, j’ai été très surpris d’apprendre qu’il a appris à dessiner en regardant les albums de ma série Sambre, qui ont été traduits en coréen ! Voilà la preuve que les passerelles entre nos univers sont bien plus importantes qu’on ne l’imagine.

Des croquis rares ou inédits de Bidouille et Violette

Les webtoons étant le marché principal en coréen, les dessinateurs qui désirent publier des histoires doivent donc aussi se tourner vers les autres pays.

Le poids de l’Histoire, qui est assez lourd, oblige les Coréens à être internationaux. C’est aussi un facteur qui a joué pour la bande dessinée belge, car notre territoire était trop petit pour que les auteurs belges vivent de leur art. J’ai donc ressenti quelque chose de similaire avec la Corée : la conscience continuelle de cette différence entre le nord et le sud, avec cette nuance fondamentale que les deux pays sont toujours en guerre. Cela leur donne la force de sortir des carcans habituels des mangas.

De g. à dr. : Ancco, Delphine Frantzen, Yslaire et Hong Yeon-Sik
Photo : CL Detournay

Delphine, vous avez découvert différents manwhas grâce à cette exposition ?

Delphine Frantzen : Oui, j’ai été très impressionnée par le rapprochement des thématiques entre nos deux cultures, ainsi que par la diversité de style qu’ils peuvent aborder. La rencontre est fructueuse de part et d’autre !.

Est-ce que vos thématiques se renvoient la balle ? Avec Ancco par exemple ?

Delphine Frantzen : Les récits d’Ancco sont plus sombres et plus réalistes. Dans mon travail, j’utilise l’oie comme vecteur d’humour et narratif. On peut ainsi remarquer que les auteurs belges utilisent un aspect plus humoristique. Ancco parvient à épurer le sujet pour aller à l’essentiel. J’ai aussi beaucoup apprécié les thématiques de M Hong et ses sujets incontournables que sont l’amour et la nature. De manière presque universelle, ils adaptent la vie quotidienne, mais avec leur propre style.

L’univers particulier de Delphine Frantzen.

Ancco, via votre propre style et vos envies, que désirez-vous partager avec le lecteur ?

Ancco : Je désire apporter une vision autobiographique, mais sans exagération. Mon travail se porte également sur l’odeur. Je veux faire "sentir" des éléments au lecteur, au sens olfactif.

Delphine Frantzen : Ce qui est un autre point commun avec mon travail, car je joue énormément sur les odeurs.

Qu’avez-vous découvert grâce aux auteurs présentés et aux livres présentés en Europe ?

Ancco : La lecture des bandes dessinées européennes me fait battre le cœur ! Cela me donne envie de dessiner de nouvelles histoires, de me lancer dans de nouvelles perspectives.

Un extrait du travail d’Ancco.

M Hong, au travers de vos propres thématiques, avez-vous découvert des connivences avec les auteurs européens ?

Hong Yeon-Sik : Je m’intéresse surtout aux histoires autobiographiques. À mon sens, le Japon m’offre actuellement davantage de pistes que l’Europe.

Votre cousinage remarqué avec Max de Radiguès influence-t-il votre évolution graphique ?

Hong Yeon-Sik : Il y a dix ans, je ressentais parfois une appréhension à me laisser influencer par d’autres auteurs. Mais je suis actuellement certain du style que je développe. Je n’essaye pas plus vraiment d’adopter un certain style, ou de copier des effets. Par contre, je suis très impressionné par les œuvres totalement différentes des autres auteurs, et cela m’encourage à continuer à travailler mon propre univers, lorsque je vois ce que notre support peut produire.

L’univers simple et touchant de Hong Yeon-Sik.

(par Charles-Louis Detournay)

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Lire également notre article : Fête de la BD de Bruxelles 2015 : BD belge et coréenne flirtent le temps d’une expo

2ème Exposition de la Bande Dessinée Belge et Coréenne
Du 3 septembre au 31 octobre 2015
Centre Culturel Coréen de Bruxelles

4, Rue de la Régence 1000 Bruxelles, Belgique
Téléphone : 0032 2 274 2980
E-mail : info@kccbrussels.be

Photo : CL Detournay

[1Nous aurons l’occasion de vous présenter plus en détails le travail de Jung Gi Kim dans quelques jours.

[2NDR : édité en français chez Cambourakis

 
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