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Zidrou ("Ducobu, Tourne-disque, Marina") : « J’aime varier les plaisirs »

Par Charles-Louis Detournay le 22 septembre 2014                      Lien  
Zidrou est sans doute un des scénaristes les plus productifs du moment. Que cela soit avec des albums jeunesse comme "L’Élève Ducobu" ou dans le registre plus adulte du récent diptyque de "La Mondaine", il parvient à toucher la corde sensible du lecteur tout en restant frais et imaginatif. Revenons avec cet auteur sur les sorties qui font son actualité.

Il y a quelques semaines, vacances d’été obligent, sortait le nouvel album de Ducobu, le vingtième, déjà. Après un tel parcours, continuez-vous à fourmiller d’idées ?

Zidrou ("Ducobu, Tourne-disque, Marina") : « J'aime varier les plaisirs »Honnêtement, j’ai lu ce tome 20, et je l’ai trouvé d’un très bon niveau, alors que certains précédents albums étaient parfois en deçà. Dans 0+0=Duco !, il y a peu de gags où je me suis trouvé trop faible. Globalement, je suis donc satisfait, même si les scénaristes ne sont pas des machines : il peut y avoir des périodes moins heureuses que d’autres.

Et pourtant, l’univers de la série est très codifié ! Le pupitre, la dictée, les mêmes personnages, etc !

Oui, d’une certain façon, Ducobu est une série à la Léonard, où l’on raconte toujours la même chose. Il y a moins de variétés que pour Spirou. Mais je suis en train d’écrire actuellement le tome 21, et cela continue de m’amuser ! Et j’ai décidé de me lancer un défi : je me suis imposé de faire un album « spécial tricherie », bien que j’aie déjà fait beaucoup de gags sur ce sujet. Il n’y a pas de réel secret à ce renouvellement constant, excepté le besoin de m’amuser lorsque j’écris. Sinon, cela se ressent directement à la lecture.

La longévité de Ducobu laisse rêveur, mais j’imagine que vous devez ressentir une certaine pression lorsque vous pensez ne pas avoir été aussi bon que vous le voudriez…

Bien entendu, je désire donner le meilleur de moi-même à chaque album, mais je ne vais pas perdre le sommeil ou la santé si je n’ai pas atteint le point ultime. Lorsque vous êtes amené à répéter des performances, comme un joueur de tennis ou un acteur de théâtre par exemple, vous savez quand vous avez été au top, ou en deçà de votre niveau. Si vous vous focalisez sur chaque gag ou chaque récit en vous demandant s’il est suffisamment extraordinaire, vous allez créer un blocage, et sans doute cesser d’écrire. Certains de mes collègues sont passés par ce stade, ce qui est d’autant plus problématique pour une série annuelle comme Ducobu.

Pour revenir sur le contenu de ce 20e tome, vous mettez en scène un récit qui développe une spin-off de Ducobu avec son pupitre comme héros. Est-ce de l’autodérision en lien avec l’autre spin-of, celle de L’Instit Latouche ?

Pour fêter les vingt ans de Ducobu, le magazine Tremplin a réalisé un numéro spécial, et nous avons mis-en-scène cette histoire inédite. C’est effectivement une forme d’autodérision, car on sait comment fonctionne le marché de la bande dessinée, on y participe tout en étant attentif à ce qui s’y déroule. D’où cette histoire en forme de boutade. J’étais effectivement très attentif au début de L’Instit Latouche, et comme je vois que cela suit sans souci, je leur laisse mener leur vie à leur guise.

Comment s’était mis en place le lancement de cette spin-off ?

François Pernot, directeur de Dargaud-Lombard, était régulièrement revenu à la charge avec cette demande, que j’ai fini par accepter pour plusieurs raisons : la thématique était porteuse, elle permettait à des collègues et amis d’avoir du travail, et elle rencontrait une certaine attente du public puisque cela se vend bien. Je rencontre des enfants qui m’en parlent avec enthousiasme : que demander de plus ?


Autre de vos albums au Lombard, après Le Monteur d’histoires, vous poursuivez vos récits sur l’Afrique avec Tourne-disque. Est-ce un continent qui vous fascine ?

Entre nous, nous appelons cette collection Les Africaines. Lorsque le troisième album paraîtra, nous publierons peut-être un coffret pour que le lecteur comprenne bien la cohérence de l’ensemble. Chaque album traite d’un art, mais aussi d’un thé, et également d’un thème qui lui correspond. Même si chaque récit explore toujours différentes facettes, Le Montreur d’histoires évoque plutôt la mort. De même, même si Tourne-disque évoque aussi l’amour et la mort, nous le voulions « doux comme la vie ».

Vous mettez en scène deux personnages que tout oppose, mais qui vont apprendre à se connaître, le tout dans un rythme assez lent, d’une langueur coloniale…

Oui, Tourne-disque est axé sur une amitié que l’on peut qualifier d’ « impossible » pour l’époque, car Eugène Ysaÿe est une véritable star. Je désirais que l’album soit effectivement lent. Même les musiques jouées sont lentes, plutôt des adagios. Sans que cela soit trop pénible, je voulais faire ressentir au lecteur l’ennui de ce personnage. Autant le premier est dur, autant que je désirais que cela soit ici plus paisible, tout en sachant ce que nous racontons dans le troisième et dernier récit sera également beau mais dur. Bien que séparés, pour moi, ces trois albums forment un tout.

Autre de vos séries assez dures : Marina dont vous avez déjà livré le deuxième tome cet été.

Effectivement, l’Histoire, le cadre, tout cela est nouveau pour moi, mais très prenant. J’espère que le lecteur accrochera au récit, car j’ai encore beaucoup de choses à dire avec Marina. Au début, ce récit ne devait pas devenir une série, mais Yves Schlirf, notre éditeur chez Dargaud, en a décidé autrement... heureusement ! Le troisième tome me permettra de prendre un peu plus de temps, comme une parenthèse dans la trame générale, avant de mieux repartir dans le tome 4, 5 et les suivants. J’ai encore plein de choses à raconter...

Venise est toujours montrée sous une parure scintillante, mais vous n’hésitez pas à y placer de la noirceur !

C’est le quotidien de l’époque ! Mais nous n’allons pas rester uniquement à Venise. Dans le tome 3, nous remontons vers la Mer du Nord, avant de revenir vers la Sérénissime dans le tome 4. Et nous allons bien repositionner dans le prochain tome les fameuses malédictions de Dante, qui me servent de fil rouge entre les récits moyenâgeux et le XXe siècle.

Votre couverture donne d’ailleurs le ton de votre histoire !

Pour les raisons détaillées dans le récit, je voulais effectivement que cette jeune femme représente le plus grand danger que Venise ait connu. Je pense qu’on tient tout ce qu’il faut pour réaliser une série au long cours, surtout avec le magnifique dessin de Matteo. Mais il faut qu’on nous laisse le temps… Quand vous relisez les premiers Blueberry, c’est loin d’être parfait, mais ces séries mythiques ont pris le temps de s’installer avant de devenir actuellement incontournables. C’est pour cela que le marché est difficile actuellement… Et c’est pareil avec les auteurs : impossible de demander à un jeune de devenir l’égal des maîtres à son premier album !

Vous disposez aujourd’hui d’un registre assez étendu, même s’il a fallu du temps pour installer vos scénarios plus adultes. Certains ont été coupés, comme Tueur de Mamans. Dans quel registre vous sentez-vous le plus à l’aise ?

Tous les styles me conviennent… Je peux faire du pétomane demain si on me le demande ! Mais ce que j’aime avant tout, c’est varier les plaisirs ! Que cela soit en cuisine, en musique que j’écoute en travaillant, et donc en bande dessinée, j’aime passer d’un style à l’autre. Je suis en train de terminer un prochain récit pour Jordi Lafèbre avec qui nous avons réalisé La Mondaine, un autre pour Philippe Berthet [1], un récit pour Arno Monin, le tome 21 de Ducobu, un Bob et Bobette vu par… pour Paquet... et bien d’autres !

(par Charles-Louis Detournay)

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- notre interview de Matteo (Marina) : « Derrière une double intrigue de pirates médiévaux et de contemporain fantastique, cet album est un hommage à Venise »
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- un autre rencontre avec Zidrou : « Nous avons créé accidentellement l’élève Ducobu ! »

[1NDLR : Nous en reparlerons dans les prochains jours.

L’élève Ducobu ✍ Zidrou
 
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