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« Zodiaque » : un concept commercial efficace de bon augure

Par Charles-Louis Detournay le 4 mars 2012                      Lien  
12 signes zodiacaux, 12 albums indépendants dans divers univers avec un treizième qui livre une énigme cachée. Un concept de Guy Delcourt, des scénarios de Corbeyran : on sert la soupe… et elle se révèle plutôt savoureuse.

Autre temps, autre mœurs. On aurait sans doute ri si on nous avait présenté ce type de concept il y a quelques années : treize dessinateurs pour treize albums, un par mois, le tout orchestré par un scénariste qui doit approcher les 250 titres au compteur.

Mais voilà, avec les séries qu’on avale goulûment à la télévision, le public a changé et se révèle insatiable pour consommer encore et encore un produit qu’elle a apprécié.

D’un autre côté, le marché de la bande dessinée s’est lui-même auto-projeté dans cette direction : elle n’est plus réservée qu’à la jeunesse, les lecteurs se multiplient et achètent plus ; l’offre augmente pour suivre la demande qui se segmente en séries balisées (spin-offs ou séries concepts). Résultat : des dessinateurs confirmés se mettent dans l’équipe en espérant tomber un jour sur le scénario qui les rendra incontournables. Un effacement de l’auteur au profit de la série qui ressemble bien à une américanisation de nos méthodes de production.

« Zodiaque » : un concept commercial efficace de bon augureEn suivant la règle de 20-80 %, cette réflexion est loin d’être idiote, car ces concepts formatés permettent d’engranger des bénéfices qui devront obligatoirement être réinjectés dans des nouveautés ! Un investissement plus risqué, certes, mais qui s’avère rentable sur le long terme, grâce aux futurs grandes séries qui en émergeront.

Dans sa présentation 2011 à Angoulême, Guy Delcourt himself décortiquait les chiffres de mise en place et de vente de Jour J : dès la parution des troisième et quatrième tomes, les chiffres de réassort des premiers volumes parus quelques mois auparavant augmentaient de manière exceptionnelle, ce qui entraînait automatiquement la réussite programmée des cinq premiers titres.

Pour forcer le trait, un directeur commercial sans aucun lien avec Delcourt nous expliquait récemment : « Le lecteur a besoin de points de repère. C’est un peu comme acheter un hamburger dans un fast-food : on ne s’attend pas à tomber de sa chaise en le dégustant, mais on est certain de ne pas faire de mauvaise surprise, et de satisfaire le besoin premier de son achat. »

Zodiaque : un manque d’originalité compensée par de l’efficacité

Puisque le lecteur apprécie ce type de format, puisque les auteurs s’y retrouvent, tout autant que les éditeurs, il n’y a pas de raison de rechigner en ces temps incertains. Bien entendu, chaque grande maison voudra cultiver sa différence (une approche ‘nouvelle vague’ pour Les Autres Gens, le jeu scénaristique dans Alter Ego ou Destins, etc.), mais Delcourt assume fort bien l’identité de son concept : plus l’approche sera transparente, moins le lecteur hésitera à acheter l’album : « Le dessin semble bon, j’ai bien aimé les séries du scénariste, se dit le quidam, je vais m’en prendre un ou deux selon le signe astrologique et on verra si la sauce prend... »

Et cela prend même plutôt bien, mais laissons Corbeyran nous présenter la structure qu’il a construite autour l’idée de son éditeur :

"Chaque signe du Zodiaque est unique, mais il est également la continuité du précédent, en même temps qu’il prépare l’avènement du suivant. Le Zodiaque forme un cercle dont chaque élément, chaque signe, apporte sa contribution à l’élaboration d’un ensemble plus grand. C’est sur ce modèle que la série « Zodiaque » a été pensée. Elle se présente comme une chaîne où chaque maillon révèle un nouveau protagoniste, de nouveaux personnages et un nouveau mystère.

Chaque album plonge le lecteur dans un univers distinct : la politique, la finance, la médecine, le crime, la justice... Les douze tomes sont donc lisibles indépendamment car, à l’instar de chaque signe, chaque récit possède une vie intrinsèque et une énergie propre. Au fil de la lecture, cependant, apparaît le sentiment qu’une autre histoire est en train de se dérouler : une histoire cachée, une histoire plus mystérieuse, mais aussi plus vaste, plus globale. Une histoire où chaque protagoniste joue un rôle déterminant. Une histoire qui ne connaîtra son dénouement que dans l’ultime album de la série."

Le Défi du Bélier, Le Secret du Taureau

La série se lance en librairie avec deux albums ce mercredi 7 mars : la poursuite d’un serial-killer et la plongée dans les arcanes des traders de Wall Street donnent directement le ton très réaliste et convainquent d’entrée de la pertinence de l’approche.

La spécificité de la série est liée à sa légère touche fantastique : un don que possède chacun des personnages principaux, lorsqu’il porte un pendentif représentant son signe zodiacal.

Inutile de vous dévoiler ces secrets, mais sans être le moteur de chaque intrigue, les pendentifs sont bien entendu le fil rouge de l’ensemble ! D’où viennent-ils ? Pourquoi n’y en a-t-il qu’un par signe ? Ces pouvoirs sont-ils si déstabilisants que les deux premiers « héros » choisissent à un moment de s’en séparer ?

Ces pendentifs vont susciter bien enytendu la convoitise d’autres personnage, car s’il n’y a que douze signes zodiacaux, nous risquons donc de retrouver plusieurs personnages de chaque histoire qui sont nés dans la même période. Enfin, chaque album peut aussi dévoiler une partie des suivants : ainsi, le premier tome du Bélier met en scène la voyante du Gémeaux pendant quelques pages. On en découvrira plus sur cette mystérieuse femme au début du mois d’avril, dans le tome 3 : Le Choix du Gémeaux, une enquête qualifiée par l’éditeur de « parapsychique et rédemptrice » !

© Horne & Corbeyran - Delcourt 2012
En avril, le tome 3 : Le Choix du Gémeaux

Derrière le fantastique qui a fait la renommée de Corbeyran (Les séries de Stryges, Uchronie[S] et bien d’autres), on retrouve aussi l’efficacité de sa construction et son analyse des personnages. Les caractères de ceux-ci sont bien entendu liés à la symbolique du signe zodiacal concerné : têtu pour les Béliers, fonceurs pour les Taureaux, etc. Chaque récit est aussi très bien construit et nous plonge dans un univers parfois déjà bien développé comme celui de la traque des sérial-killers dans le cas du T1, mais également dans l’univers plus mystérieux des traders. Entre intrigue, romance, passion dévorante, explications techniques, chacun des deux premiers tomes comblera les attentes du lecteur.

Bien entendu, chaque album se conclut sur une part de mystère, afin de pousser le lecteur à acheter les douze tomes, compléter le puzzle et satisfaire sa curiosité dans le treizième tome final, espérons-le, plus réussi et innovant que le dernier tome d’Uchronie[S], malheureusement assez décevant.

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Zodiaque, scénarisé par Corbeyran aux éditions Delcourt.

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17 Messages :
  • « Zodiaque » : un concept commercial efficace de bon augure
    4 mars 2012 13:24, par un lecteur lucide

    Heu, cet article est une blague, c’est ça ? on y explique comment prendre les gens pour de la "pâte humaine" et que c’est une bonne chose.Ca ne prend pas.

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  • Moi qui ai toujours trouvé étrange la manière de procéder des Américains dont les personnages passent d’un dessinateur à l’autre, je suis perplexe. Il me semble que retrouver la "patte" d’un artiste fait partie du plaisir. J’imagine mal Cosey, Andreas ou Lepage faire une telle chose. En même temps, l’expérimentation est toujours amusante et porteuse de découverte. Donc, tant que le procédé ne se généralise pas, pourquoi pas ? Mais ça me rappelle un peu une phrase que j’ai lu cette semaine où on disait que le problème de notre époque c’est que les gens sont fait pour être aimés et les choses utilisées et qu’actuellement c’est souvent l’inverse qui se passe.

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    • Répondu le 4 mars 2012 à  16:51 :

      C’est très bien mais c’est une conception issue d’un monde passé. Aujourd’hui on veut consommer et si la suite est trop longue à venir, c’est vite oublié parce qu’entre temps on s’est empiffré de série télé, de films et de jeux vidéo et qu’on a l’esprit gavé. Donc malheureusement ça n’est guère plus possible de faire de l’artisanat tout seul dans son coin, il faut produire.

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      • Répondu par Oncle Francois le 4 mars 2012 à  20:32 :

        Si l’on est vraiment impatient de lire/consommer, on peut aussi s’offrir les belles Intégrales qui fleurissent un peu partout : Spirou, Buck Danny, Jeremiah, Jerry Spring, Tif et Tondu, Gil Jourdan, Lucky Luke. Au moins, là, on a affaire à des classiques qui ont déjà fait leurs preuves ! Pour ma part, je suis en train de lire le beau recueil Iznogoud, signé Goscinny et Tabary, paru chez Imav. C’est un régal, je vous prie de le croire, à consommer à petites doses pour ne pas frôler l’indigestion de rires ! Sans parler des excellentes séries comme Tintin, Blueberry, ou même Astérix, qui n’ont jamais fait l’objet d’Intégrales (je ne parle pas des simples compilations en simili-cuir de Rombaldi).

        Et sinon, Andreas a fait un Dongeon avec Sfar & Trondheim, je crois ! L’exercice de style a du l’amuser, je pense !

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        • Répondu le 4 mars 2012 à  23:11 :

          Sans parler des excellentes séries comme Tintin... qui n’ont jamais fait l’objet d’Intégrales

          Raté, elle existe l’intégrale Tintin, format bottin, illisible.
          http://livre.fnac.com/a2485748/Tintin-L-integrale-des-aventures-de-Tintin-Tout-Tintin-Herge

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          • Répondu par Oncle Francois le 5 mars 2012 à  20:33 :

            Vous parlez d’une intégrale ! Il s’agit de l’assemblage des albums classiques ! Ils n’ont même pas rajouté les cases non reprises en album, et il n’y a pas de préface avec des documents rares !

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            • Répondu le 5 mars 2012 à  23:30 :

              Vous parlez d’une intégrale ! Il s’agit de l’assemblage des albums classiques !

              Mais c’est exactement ça une intégrale, renseignez-vous mon vieux.

              Répondre à ce message

      • Répondu par Patrick le 4 mars 2012 à  21:01 :

        La bande dessinée a attendu longtemps pour être considérée comme un art à part entière. Si maintenant les éditeurs veulent qu’elle soit comparée à un hamburger de chez McDonald, c’est leur droit, mais ils pourront toujours se plaindre plus tard qu’elle ait perdu ses lettres de noblesses tant recherchées.
        Maitenant, je crois que les deux options peuvent cohabiter, mais dire que la surproduction en série est la solution ultime, je ne crois pas.

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      • Répondu par Géraud le 4 mars 2012 à  21:48 :

        Sans doute avez-vous raison...

        Il n’empèche :

        "consommer" et "produire" : deux termes qui sont à l’exact opposé de l’idée que je me fais de la BD.

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        • Répondu par Cedric le 5 mars 2012 à  14:32 :

          c’est également l’exact opposé de la démocratie.On n’a pas combattu les totalitarisme au 20ème siècle pour en arriver là.Les êtres humains ne sont pas des tupperware.

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  • Je crois que tout est contenu dans votre titre : Il s’agit la d’un concept commercial et non pas d’une oeuvre artistique.

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    • Répondu par Oncle Francois le 4 mars 2012 à  23:12 :

      250 titres au compteur, c’est ENORME en vingt ou vingt-cinq ans de carrière ! Combien en ai je lu ? quatre ou cinq au maximum, et je n’en garde pas un souvenir impétrissable ! ah, il a écrit un livre pour Sattouf dans son premier style, il faudra que je le prenne à la médiathèque, cela peut être amusant !

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    • Répondu par Charlito le 5 mars 2012 à  23:23 :

      Effectivement un super concept, une pépite, une mine ! Et une fois le pitch distribué aux 12 nègres (l’honneur du 13ème est la part du roi), pourquoi ne pas aller plus loin, se lancer par exemple dans une série sur les jours ?.. 365 albums, tous différents car portant tous un nom distinct, le nom d’un saint ?!
      Waow, une intrigue mystique à la Da Vinci Code déclinée en autant de héros différents !!.. Et chacun un mystère décliné parce qu’il y aurait en fait quatre versions de chaque nom comme les quatre saisons, genre une quête d’identité à la XIII en quatre périodes, ça ferait au total 1460 albums pour les plus téméraires ! Et vu que chaque veau, pardon chaque lecteur porte un nom, il y en aurait au moins quatre chacun plus ceux des épouses, enfants, petits enfants, mémés, papis, ouiii... Des dizaines de milliers d’albums !! Et le clou, le top, l’année bissextile !... le 366ème !... l’album ultime !! Là tous les héros se retrouvent comme dans une foule pour le secret final, 1460 albums plus tard. Et soudain les héros découvrent que leur scénariste les prend depuis le début pour des cons car identifiés aux lecteurs, et, rebondissement, les héros vont se révéler en fait comme étant des dessinateurs piégés dans les corps des 365 héros en quatre fois, 1460 auteurs qui se font exploiter dans une série infinie mais tellement porteuse d’espoir pécunier !!

      Ah oui, un titre, la série pourrait s’appeler "Bienvenue à l’usine", pas mal ça, très contemporain.

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      • Répondu le 6 mars 2012 à  12:51 :

        Excellent ! Dommage que je ne sois pas éditeur, sinon je vous engage.

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      • Répondu le 7 mars 2012 à  01:05 :

        ah ouais, moi j’attend avec impatience la série "12 mois".Ben oui, un album= 1 mois. Et puis comme ça il pourra y avoir des crossover,le mois de Janvier vs. le Bélier, qui va gagner ?
        et des spin-off avec les jours de la semaine.
        Bon l’article dit qu’il y a quelques années, on aurait trouvé ca ridicule.Mais ca l’est toujours.

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  • Les couvertures sont bien foutues. Pour le reste, on est dans le bas du bas de l’échelle.

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