Le récit commence comme un Western à l’ancienne, avec un cowboy solitaire, sa monture et son campement à la belle étoile. Puis apparaît un anachronisme : un avion dans le ciel. Loin du XIXe siècle, nous sommes dans les années 1950 et l’anachronisme est en réalité Jack Burns, le dernier cowboy de l’Ouest.
Il chevauche vers l’Est pour rejoindre son ami Paul, un objecteur de conscience qui a été condamné à deux ans de prison pour avoir refusé de s’engager dans l’armée. Jack se fait emprisonner à son tour pour le faire évader. Mais il se heurte aux valeurs de Paul qui entend assumer ses idées et sa propre conception de la liberté. Après l’évasion de Jack, une chasse à l’homme s’organise. Le shérif, bien qu’avisé, doit composer avec une milice incompétente et un subordonné sanguinaire. Bientôt la traque dégénère.
L’histoire de Jack alterne avec celle d’un chauffeur routier au bord de l’épuisement. Anonyme, ce personnage intrigue jusqu’au dénouement. Il pourrait être un Jack plus âgé ayant renoncé à sa liberté mais continuant d’écumer les territoires de l’Amérique. Cependant cette mobilité n’est pas celle d’un homme libre de choisir son cap, mais celle d’un homme soumis aux directives de son patron, au mépris de sa santé.
Ce récit critique la modernisation de la société et le développement de la bureaucratie au détriment de la liberté individuelle. Jack apparaît comme une relique du passé, le seul à refuser la marche du progrès incarné par les routes de macadam, les grosses cylindrées et le rouleau compresseur de l’administration.
Dans le monde moderne, nul ne peut échapper à la loi, mais elle se révèle à deux vitesses. D’une rigidité absolue pour les citoyens lambda, elle se montre laxiste pour ses représentants, comme le général qui vient se mêler à la traque pour occuper ses hommes, ou le policier violent Gutierrez.
Max de Radiguès, ici au scénario, adapte le roman The Brave cowboy de l’écrivain américain Edward Abbey. Le récit est empreint de nostalgie pour le mythe du Grand Ouest en train de disparaître. Lorsque Jack voyage vers l’Est, il opère un voyage accéléré dans le temps. La prairie se change en pâturages puis en terres cultivées, les habitations passent des fermes aux pavillons de banlieue jusqu’aux premiers immeubles. La constante est la silhouette de Jack et de sa jument, de plus en plus incongrus au milieu de la civilisation moderne.
Les couleurs chaudes et les dessins anguleux d’Hugo Piette illustrent parfaitement ce récit âpre et sauvage. Le dessinateur de Poncho et Semelle, contributeur au Journal de Spirou, est spécialiste de ces décors. Sa ligne claire et le découpage maîtrisé rendent justice aux paysages de l’Ouest américain tout en assurant une parfaite lisibilité des scènes d’action. Notons les dialogues particulièrement réussis qui campent rapidement les personnages tout en préservant les non-dits, comme dans la relation entre Jack et la femme de Paul.
(par Lise LAMARCHE)
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Seuls sont les indomptés, par Max de Radiguès et Hugo Piette, d’après le roman d’Edward Abbey.
176 pages, 19 × 26 cm, 24.00€
Parution le 04/09/2019
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