Dans l’œuvre de Willy Vandersteen on parle de « période bleue », ou plutôt de « collection bleue » pour parler des albums réalisés pour le journal Tintin par l’auteur anversois entre 1948 et 1959. Repéré par Karel Van Mileghem, rédacteur en chef de Kuifje, Vandersteen va faire son entrée dans les pages de Tintin en 1948, fort de la grande popularité de ses personnages Suske & Wiske (Bob & Bobette) dans les pages du quotidien flamand De Standaard. Ce père fondateur de la bande dessinée belge est un créateur exalté qui publie depuis la fin de la seconde guerre. Son style enlevé goûte peu au directeur artistique du journal qui n’est autre qu’Hergé. Il demande à Vandersteen de s’aligner sur la pratique de la ligne claire qui domine le journal avec Tintin, Blake & Mortimer de E.P. Jacobs et désormais Alix de Jacques Martin.
Durant cette période particulièrement faste, Vandersteen dessinera parmi ses albums les plus réussis : Le Fantôme Espagnol, La Clé de bronze, Le Trésor de Beersel,… L’exposition « Willy Vandersteen, l’épopée bruxelloise » met en parallèle les créations de cette période pour Tintin et les autres travaux contemporains de l’auteur. On découvre ainsi que tout en réalisant certains ajustements pour plaire à Hergé, Vandersteen continuera à dessiner pour De Standaard dans le style plus libre de ses débuts. L’exposition met cependant en exergue le fait que la collection bleue, considérée comme la plus importante artistiquement, a influencé la collection rouge, et la technique d’un Vandersteen aux multiples facettes.
Au sujet de l’évolution rapide du trait de Willy Vandersteen, Joost Swarte, commissaire de l’exposition nous confie : « Je suis persuadé que Vandersteen a toujours été un dessinateur de qualité. Au début de sa carrière, il a opté pour un style très expressif, je pense que c’est un choix délibéré. C’est ce qu’on montre dans cette exposition : tout en dessinant de manière plus appliquée pour la série bleue, il a continué en parallèle pour le public flamand la série rouge, qui est beaucoup plus expressive. Willy Vandersteen était un créateur aux multiples facettes. Son ambition, comme celle d’Hergé, était de toucher le grand public. Influencés par le succès international de Walt Disney, tous les deux ont rapidement mis sur pied un travail en studio. Il faut cependant souligner que Vandersteen adorait créer les histoires et les crayonner, mais était lassé par le travail d’encrage. C’est une partie du travail qu’il a rapidement laissée à ses collaborateurs. »
Outre les albums et des planches originales de Bob & Bobette, l’exposition regroupe des créations de cette décennie comme Le Prince Riri ou Tijl Uylenspiegel. Etant donné que sa production de planches est énorme, Willy Vandersteen se fait rapidement aider pour l’encrage. Eric Verhoest, coordinateur de Bruxelles BD 2009 témoigne : « Dès le départ, il est assez allergique à l’encrage. Il encre les tous premiers Bob et Bobette de la série rouge, parfois aidé de son épouse. Mais dès qu’il aura l’occasion de le faire, il déléguera cette tâche. Sur le premier album de Tijl Uylenspiegel par exemple l’encrage est dû à Karel Verschuere, qui plus tard reprendra la série Bessy. Vandersteen fournissait un crayonné assez poussé, ensuite le résultat dépendait du talent de l’encreur. Mais son véritable plaisir c’était le crayonné. C’est quelqu’un qui n’a jamais lâché le crayon. Je l’ai rencontré à la fin des années quatre-vingt, et à 70 ans il était heureux comme un enfant avec sa série De Geuzen : il pouvait enfin publier ses dessins libéré de l’encrage ! »
Après dix ans de collaboration au journal Tintin, Willy Vandersteen se retira en 1959. Deux explications circulent : la très forte demande du côté néerlandophone qui l’accaparait de plus en plus et la fin d’une époque familiale au sein du journal dont l’esprit de groupe se diluait à mesure que sa pagination augmentait.
Malgré un succès populaire jamais démenti en Flandre et aux Pays-Bas, le créateur de Bob & Bobette reste méconnu du public francophone. Cette exposition estivale permet de réparer en partie cette lacune.
(par Morgan Di Salvia)
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Photos © M. Di Salvia
L’exposition "Willy Vandersteen, l’épopée bruxelloise" est accessible du 24 juin au 27 septembre 2009, à l’Hôtel de Ville, Grand Place de Bruxelles.
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