Richard Langlois s’est éteint à Sherbrooke le 19 juillet dernier, « après un court mais courageux combat contre le cancer » précise le journal local.
Après une Licence, puis une Maîtrise en littérature, il a commencé sa carrière dans l’enseignement en 1968 au CÉGEP [1] de Sherbrooke, carrière qu’il a poursuivie sans interruption jusqu’en 1997. En parallèle, il donnait également des charges d’enseignement à l’Université de Sherbrooke, activité qu’il n’interrompit qu’en l’an 2000. C’est en 1970 qu’il conçut une première version de son « cours sur la Bande Dessinée », dont le contenu fut approuvé par le Ministère de l’Éducation du Québec dès 1973, et également mis au curriculum de certains départements universitaires. Le contenu de ce cours portait autant sur la BD américaine qu’européenne, et l’oeuvre d’Hergé y a pris une place importante au début. L’amélioration constante du contenu de ce cours l’amena à établir une correspondance régulière avec le créateur de Tintin. À ce sujet, Philippe Goddin témoigne :
« À l’époque, secrétaire général de la Fondation Hergé, j’ai découvert
l’existence de Richard Langlois au début des années 90 en parcourant les
dizaines de classeurs dans lesquels Hergé conservait sa correspondance.
Dans ses échanges avec Hergé, il m’est apparu comme un membre éminent de
cette « fraternelle » tintinophile dont je faisais partie bien avant d’y
exercer une quelconque responsabilité. Lorsque j’ai ensuite fait sa
connaissance, par lettres, puis par courriels (je ne l’ai malheureusement
jamais rencontré), je savais que nos échanges se situeraient sur le plan du
partage dont il avait fait sa raison de vivre : partage d’informations,
d’enthousiasmes, de doutes.... Connaissant son
parcours et mesurant l’influence qu’il a pu avoir sur ses élèves, ses
connaissances et sur ses lecteurs, je sais qu’il va manquer à beaucoup.
Tintin n’était pas, loin s’en faut, sa seule passion. Richard était un
éclaireur dans tous les sens du terme. »
L’expertise qu’il développa au cours des ans lui valut aussi de nombreuses invitations à prononcer des conférences de vulgarisation, et à conseiller les distributeurs de BD au Québec ainsi que le Conseil des Arts du Canada. Au-delà de ses tâches d’enseignement, il contribua à faire connaître la BD au grand public grâce à une exposition sur la BD québécoise à Toulouse et Albi en 1982, et en faisant connaître des planches originales d’Edgar-Pierre Jacobs au public sherbrookois en 1982. C’est également dans sa ville natale qu’à titre de commissaire invité, en 1998, il contribua à une exposition de talents locaux, parmi lesquels on compte Delaf et Daniel Shelton ainsi qu’une rétrospective des oeuvres d’Albert Chartier. Tous ses efforts furent récompensés par le Prix reconnaissance, attribué par le Festival de la BD francophone de Québec en 1994.
Peu souvent à l’avant-scène de l’actualité BD, ce n’est, ironiquement, qu’aux funérailles d’Albert Chartier en février 2004 que nous nous sommes rencontrés pour la première fois. Très rapidement, un territoire commun s’est établi entre nous, celui des comic strips américains. C’était un grand admirateur d’Harold Foster (Prince Valiant), de Frank King (Gasoline Alley), de Burne Hogarth (Tarzan) et surtout de Jack Cole (Plasticman). Il colligeait et classait méthodiquement des dizaines de ces comic strips, sans doute pour alimenter ses leçons. Il était également un fervent collectionneur des Captain Marvel Adventures et les Whiz Comics, ce qui ne l’empêchait pas de lire régulièrement aussi les hebdomadaires Tintin et Spirou.
Richard demeura un inconditionnel de la BD même à la retraite de l’enseignement : combien d’entre nous recevaient assez régulièrement, ces dernières années, un courriel intitulé « Pour partager », et dans lequel il continuait d’exprimer ses opinions, toujours bien tranchées, sur un livre ou un album de bande dessinée ? Les pages d’ActuaBD en contiennent quelques-unes, entre autres des critiques de livres traitant d’Hergé et du monde de Tintin, et par exemple, des opinions sur des albums de Yoko Tsuno, les Nombrils et surtout, le Lucky Luke dont l’action se passe au Québec (La belle province). Rarement de demi-mesures avec lui, il s’exprimait avec une verve qui témoignait de sa passion. Chaque case et chaque ligne du scénario étaient scrutées à la lumière de ses nombreuses années de lectures et d’analyses attentives, rien ne lui échappait.
Cher Richard, bon séjour au paradis de la BD avec ceux que tu as tant admirés : Hergé, Eisner, Franquin, Goscinny, ...
Toutes les condoléances de l’équipe d’ActuaBD à son épouse Louise, ses filles Christine et Nathalie, et ses petits-enfants.
(par Le Bédénaute)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Témoignages tirés de mes échanges personnels avec Richard Langlois, ainsi que d’un article paru dans le International Journal of Comic Art (IJOCA, Vol. 7. No. 2 pp. 78-89, 2005).
Merci à Delaf pour les photos, tirées de ses archives personnelles.
[1] Collège d’Enseignement Général et Professionnel - institution d’enseignement postsecondaire du système d’éducation de la province de Québec
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