En mars 2007, alors que la collection Ex-libris de Delcourt montait au créneau, Soleil annonçait également la création d’un nouveau concept baptisé Noctambulle (avec deux "l"). Quelques années auparavant, l’éditeur toulonnais avait repris Futuropolis, en créant une joint-venture avec Gallimard. Est-ce que les efforts se concentraient spécifiquement sur cette opération à l’époque ? Ou le marché à conquérir pour Noctambulle et Futuro étaient trop semblables ? Quoiqu’il en soit, la collection ne vit jamais le jour...
Deux années plus tard, voici que le projet ressurgit... et se concrétise ! Avec un ’l’ en moins, les bulles laissent la place au texte pour cette nouvelle collection qui fait la part belle aux adaptations littéraires. Il faut dire que si le marché est en plein essor, les offres ne manquent pas non plus. Nous citions la collection Ex-libris et ses textes ’fondateurs’, mais il y encore les pièces de théâtre de Commedia chez Vents d’Ouest, et l’éditeur Adonis qui avait lancé en grand cette (re)découverte des chefs-d’œuvre de la littérature mondiale, sans compter les multiples one-shots parus un peu partout.
Noctambule se définit donc comme une passerelle entre littérature et bande dessinée, une aire de liberté où les auteurs pourront choisir d’adapter fidèlement ou librement, des œuvres littéraires ancrées dans l’intimité de leur mémoire ; soit de proposer des récits personnels, empreints de force et d’originalité. Les deux premiers albums qui intronisent cette nouvelle collection disposent d’un format 18 x 26 cm, de 120 pages pour 17,95 €. Un bon rapport quantité/prix, lorgnant quand même fort vers un des standards de Futuropolis.
Quant à la qualité, le premier titre proposé est d’une très bonne facture. Adaptant librement À bord de l’étoile Matutine de Pierre Mac Orlan, Riff Reb’s nous en livre une vision académique dans le découpage, mais d’un grand dynamisme graphique . Avec treize chapitres, et un cahier de croquis pour une centaine de pages, ce premier titre de Noctambule demande effectivement à être lu au calme, en prenant son temps. Les constructions de textes descriptifs sont d’ailleurs parfois ardus, et si les grands cases permettent de profiter de la mise en scène de Riff Reb’s, les sauts de chapitres décontenancent quelque peu.
Il faut toutefois saluer la maestria graphique de l’auteur : le souffle épique dynamise les batailles et la sourde torpeur des tavernes et de la cambuse alterne avec les aventures de ce jeune mousse, apprenant les dures règles de la piraterie. Embrouillé par les superbes trognes des personnages, on en oublie même que cette suite de larcins et de massacres n’est pas vraiment morale, mais quand l’aventure vous entraîne dans son sillage, difficile de résister !
Au second semestre, c’est Cromwell, son compère du Bal de la sueur, qui adaptera le Dernier des Mohicans de James Fenimore Cooper. Puis suivront le Joueur de Dostoïevski par Stéphane Miquel et Loïc Godart, l’Île aux trente cercueils de Maurice Leblanc par Marc Lizano, Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll par Claire Wendling, et Moby Dick de Melville par Jouvray et Alary. S’ils sont tous du niveau d’À bord de l’étoile Matutine, cela promet de belles heures de lecture !
(par Charles-Louis Detournay)
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