À la toute fin du troisième tome, Coureurs des bois, Pierre-Esprit Radisson et son beau-frère, Médard Chouart des Groseillers, de retour en Nouvelle-France après un voyage exploratoire de deux ans dans la région du Lac Michigan et du Lac Supérieur, décident de passer clandestinement au service des Anglais, s’estimant trahis par le gouverneur Pierre de Voyer d’Argenson. C’était en 1660.
Dans Pirates de la baie d’Hudson, on les retrouve cinq ans plus tard, en 1665, à bord d’un navire anglais capturé par des pirates hollandais. Radisson et des Groseilliers échouent alors en Espagne, avant de pouvoir finalement se rendre à Londres en 1668.
En 1670, les aventuriers participent à la fondation de la Compagnie de la Baie d’Hudson et se rendent en expédition dans cette région de la terre de Rupert. Deux ans plus tard, Radisson épouse la fille de Sir John Kirk. Mais les deux aventuriers français se brouillent rapidement avec les dirigeants britanniques et Radisson se voit séparé de sa femme.
Pierre-Esprit s’engage alors dans la marine française et se rend dans les Caraïbes, avant de rentrer à Paris. Grâce à l’appui de Colbert, il se retrouve, en 1682, à la tête d’une expédition dans la baie d’Hudson, qu’il espère reconquérir pour la France. En plus de négocier avec les tribus autochtones de la baie, les Français devront alors déjouer les Anglais qui s’y trouvent, de même qu’un groupe de commerçants clandestins venus de la Nouvelle-Angleterre. Stratagèmes, alliances et manigances de toutes sortes s’ensuivent. Et bien sûr, comme dans un véritable récit de pirates, chacun change d’allégeance selon ses intérêts du moment.
Bien que l’on ne puisse reprocher à l’auteur d’avoir choisi un sujet historique complexe, le scénario de Pirates de la baie d’Hudson reste confus et difficile à suivre. À cela s’ajoute le fait que l’album s’étende sur plusieurs années. Alors que les premiers tomes couvraient une période précise dans la vie de l’aventurier, soit sa capture par les Iroquois dans Fils d’Iroquois (1651-1654), sa participation à l’expédition missionnaire de Sainte-Marie-de-Gannentaha (sur le bord du Lac Ontario) dans Mission à Onondaga (1657-1658) et son expédition dans les pays de l’Ouest dans Coureurs des bois (1658-1660), ce dernier album s’étale de 1665 à 1684, et rapporte plusieurs événements qui peuvent difficilement être condensés en 48 pages. Il semblerait, ici, qu’un ouvrage plus long, ou encore l’ajout de tomes supplémentaires aurait mieux servi la richesse de la trame narrative.
Or, de telles considérations s’inscrivent dans un cadre éditorial particulièrement délicat. Car, à l’instar de son héros, la série a connu un destin mouvementé.
Lors d’un entretien accordé en 2010, l’auteur nous confiait que 4 voire 5 albums étaient prévus. Or, le 16 avril 2012, Jean-Sébastien Bérubé annonçait sur son blog qu’il était à la recherche d’un éditeur pour publier le quatrième et dernier tome, et même négocier la réédition les tomes précédents : les éditions Glénat et leur filiale Glénat Québec ayant décidé de ne pas publier la conclusion de la série. Certains lecteurs s’étaient même mobilisés et avaient mis une pétition en ligne demandant la publication du dernier tome.
Finalement, quelques jours plus tard, le 19 avril, Glénat Québec annonçait qu’elle publierait le quatrième tome, après avoir renégocié son entente avec l’auteur. De même, quelques mois plus tard, le 15 juin, Bérubé faisait l’annonce suivante sur son blog : « J’ai le plaisir de vous annoncer que j’ai enfin terminé Radisson tome 4 et, par conséquent, toute la série. Ce sont cinq années de travail à temps plein qui prennent fin, mettant ainsi un terme à ma toute première série en bande dessinée publiée à ce jour. Ce quatrième tome a été particulièrement difficile à réaliser comme vous avez pu le constater et me voilà rendu avec une tendinite à l’épaule. Je dois maintenant prendre une pause de dessin pour me laisser le temps de guérir. »
Une entreprise laborieuse donc, qui finit bien [1] pour un jeune auteur de talent, qui n’a pas hésité à relever un défi de taille. Et s’il est difficile de relater en quatre tomes la vie extraordinaire de Pierre-Esprit Radisson, Pirates de la baie d’Hudson et toute la série Radisson conservent le mérite de nous faire découvrir cet homme aux aventures multiples, à la croisée des peuples autochtones alliés ou ennemis (son surnom « Tête de porc-épic » lui restera toute sa vie), des Français de la métropole ou de la colonie, des Anglais, des Hollandais et des colons de la Nouvelle-Angleterre.
(par Marianne St-Jacques)
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Également sur ActuaBD.com :
Lire notre chronique du tome 1 : « Fils d’Iroquois » et notre entretien avec Jean-Sébastien Bérubé
Lire notre chronique du tome 2 : « Mission à Onondaga »
Lire notre chronique du tome 3 : « Coureurs des bois »
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[1] Heureusement, l’auteur semble avoir repris du service depuis, ayant entrepris un projet de roman graphique autobiographique avec l’appui du Conseil des arts et des lettres du Québec.