Quelle pêche, ça fait plaisir à voir ! Casterman est en forme en cette rentrée, et cela se voit. Ces dernières années, les choix étaient moins fermes et moins clairs surtout : la figure de proue du catalogue, Alix, semblait s’abîmer dans une routine sans saveur, on misait sur les valeurs sûres de la maison (Tardi, Bilal, Geluck, Schuiten...) sans grande prise de risque et, en dépit des nouvelles séries lancées, souvent intéressantes, notamment dans les collections Rivages / Casterman / Noir et Kstr, les lignes de force de l’éditeur ne dégageaient pas jusqu’ici une "ligne claire" qui, jadis pourtant, avait fait la réputation de la maison.
Des collections maintenant établies
Les 10 ans de la collection Écritures viennent opportunément rappeler que Casterman n’avait jamais baissé la garde en terme de créativité. La collection initiée par Benoît Peeters avait été abhorrée en son temps par Jean-Christophe Menu, preuve qu’elle avait sa pertinence, mais si les reproches qui lui ont été faits n’étaient pas sans fondement (on se souvient de la calamiteuse édition de Julius Knipl de Ben Katchor). Mais avec l’irruption d’auteurs nouveaux, comme Charles Masson (Soupe Froide, Droit du sol...) qui publie ces jours-ci La Dernière Femme, un roman graphique qui interroge l’éternel masculin, aux côtés de Marcinelle 1956 de Sergio Salma, mémorial de la tragédie du Bois du Cazier, la preuve a été faite que cette collection pouvait être le creuset d’une nouvelle génération d’auteurs, et pas seulement le réceptacle des œuvres de Taniguchi qui, en dépit de leur succès, ne peuvent cacher que l’option manga prise naguère par la maison à du revoir à la baisse ses ambitions.
Kstr est l’autre réussite de cet éditeur, une collection qui a révélé Bastien Vivès. Et même si la nouveauté de la rentrée de cet auteur se fait chez un autre éditeur, la collection dirigée par Didier Borg laisse une place de choix à la nouvelle création et joue pleinement son rôle d’incubateur de talents.
La collection Rivages / Casterman / Noir a réussi aussi à faire sa place dans le domaine du Roman graphique avec d’excellents polars adaptés des meilleurs auteurs de romans policiers contemporains. Elle a permis l’émergence d’auteurs comme Christian De Metter qui déboule avec force dans cette rentrée en co-signant un excellent thriller, Piège nuptial, avec Douglas Kennedy, excusez du peu.
Dans le même registre, l’association entre Loustal et Götting dans un policier rétro très simenonien intitulé Pigalle 62-27 est une autre réussite incontestable de cette rentrée.
Alix, en majesté
La série Alix, qui n’était plus que l’ombre d’elle-même au cours des deux dernières décennies, comme le symbole de l’abandon de l’étude du latin dans les classes, retrouve des couleurs lors de cette rentrée.
Il faut y voir l’effet de la montée en puissance dans l’équipe éditoriale de Reynold Leclercq, lequel est à l’origine de l’arrivée de Denis Bajram et Valérie Mangin dans le catalogue de l’éditeur de Tintin. La spin-off Alix Senator est la bonne surprise de la rentrée, comme nous vous l’avons expliqué. Avec un nouveau tome des voyages d’Alix sur Nîmes, une nouvelle édition des voyages sur Rome et un nouvel album dans la collection régulière : L’Ombre de Sarapis, signé Corteggiani & Venanzi, pour octobre, la série Alix se redonne de nouvelles ambitions, et ce n’est pas pour nous déplaire. Il n’est pas jusqu’au succès du manga Therma Romae (T.4) qui ne vienne rappeler que la Pax Romana est de retour dans la maison Casterman.
Le Chat, Dracula, Canardo...
Des nouvelles séries, comme Le Tueur aux mangas de Lamquet & Yann, dynamisent également cette rentrée qui n’oublie pas de mobiliser ses classiques : des nouvelles éditions pour Pratt (Intégrale Fort Wheeling, Capitaine Cormorant et, De l’autre côté de Corto, les entretiens avec Dominique Petitfaux), le retour de Geluck avec le tome 17 du Chat : Le Chat Erectus couplé au troisième volume de Cher Docteur G., le retour de Sokal avec son imperturbable Canardo dont cette aventure n’est pas sans rappeler les remugles de l’affaire DSK ; Maryse et Jean-François Charles dont le Tome 7 de India Dreams nous mène à fouler les allées du Taj Mahal...
Moebius enfin, dont la disparition récente suscite la réédition de l’entretien avec Numa Sadoul, Docteur Moebius et Mister Gir, et une nouvelle édition des quatre volumes du Monde d’Edena.
Plein de bonnes raisons de revenir en librairie.
(par Didier Pasamonik - L’Agence BD)
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