Casey Brinke, une jeune ambulancière sans histoire, forme un duo ultra-efficace avec Sam, l’urgentiste qui travaille avec elle. Ensemble, ils parcourent les rues à tombeau ouvert afin de sauver le plus de gens possible.
Un soir ils tombent sur Cliff Steele, alias Robotman, qui s’est fait percuter par un camion. Casey décide de ramener les pièces du robot chez elle, faute de mieux. C’est le début pour la jeune femme d’une plongée dans l’univers surréaliste de la Doom Patrol où règne le pouvoir absolu de l’imagination.
Cet épais album [1] contient les deux années de publication de la série, écrite par Gerard Way, complétées par un unique tome supplémentaire. En effet la série n’a pas totalement convaincu aux États-Unis même si Way ne démérite pas pour autant.
Musicien et leader du groupe My Chemical Romance, Gerard Way écrit également à ses heures des comics : la série à succès The Umbrella Academy et The True Lives of the Fabulous Killjoys (tiré d’une série de clips dans lesquels Grant Morrison jouait le méchant). Il n’a jamais caché son admiration pour le scénariste écossais et son goût pour les concepts métaphoriques et déjantés. C’est donc un rêve d’enfant qui se réalise lorsqu’il prend les commandes d’une nouvelle itération de la fameuse équipe.
Disons-le d’emblée, Way n’a pas le sens ésotérique de Morisson : ses idées et ses histoires relèvent davantage de l’image et du détournement d’images que d’une maîtrise poussée de l’abstrait et de la métaphysique. Cependant, si l’élève n’égale pas le maître, cette Doom Patrol s’avère loin d’être inintéressante.
Partageant son ouvrage en deux arcs narratifs, Way convoque les figures de la grande époque de Morrison : le trio formé par Robotman, Negative Man et Crazy Jane, ainsi que Flex, Danny la Rue, et quelques vilains bien connus.
Cependant, là où son modèle interrogeait la nature de ses héros déglingués à travers l’art, Way s’attaque à la société de consommation : des chaînes de fastfood interdimensionnelles, des compléments alimentaires douteux mais "tendance" et... les liens entre fabricants de jouets et éditeurs de comics.
Le rythme est effréné, les concepts et les personnages, aux caractéristiques méta-textuelles, sont légion, et la folie est bien présente, avec des rebondissements toujours plus étranges et inattendus. Plus chaotique et moins structuré que ceux de Morisson, ce récit se révèle néanmoins plaisant à lire. Way déborde d’amour pour la Doom Patrol et cela se ressent. Le personnage de Casey s’intègre parfaitement à l’univers : il faut dire qu’une ambulancière un peu perdue trouve facilement sa place dans ces aventures où on passe le temps à sauver et réparer tout ce qu’on trouve.
Secondé par des dessinateurs très inspirés qui donnent corps à un univers coloré et attachant, Way signe un bel album, fou, bigarré et plein d’espoir. Il manque sans doute une ligne directrice claire pour donner à l’ensemble un véritable sens, mais le voyage en lui-même n’en reste pas moins très rafraîchissant.
(par Guillaume Boutet)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Gerard Way présente Doom Patrol T1. Scénario : Gerard Way. Dessin : Nick Derington, Tom Fowler & Michael Allred . Traduction Julien Di Giacomo. Urban Comics, collection "Vertigo Deluxe". Sortie le 11 octobre 2019. 352 pages. 28,00 euros.
Acheter cet album sur BD Fugue, FNAC, Amazon.
Doom Patrol de "Grant Morrison" sur ActuaBD :
– Lire la chronique du tome 1
[1] Les épisodes contenus dans Gerard Way présente Doom Patrol T1 sont :
– Doom Patrol #1-12 (septembre 2016 à octobre 2018)