Il avait un rire d’enfant qui secouait son double-mètre de Grand Duduche sympathique. Né le 26 février 1953 à Saint-Lô dans la Manche dans une famille d’origine modeste, il est sur les bancs de l’école à Arcueil aux côtés de Jean-Paul Gaultier qui dessine déjà des costumes.
Est-ce cela qui le sensibilise au dessin ? Toujours est-il qu’il suit les cours de dessin du dessinateur de presse et illustrateur André Barbe avant de publier ses premières bandes dessinées dans L’Echo des Savanes en 1978. Son graphisme est dans la mouvance de ces auteurs qui comme le groupe Bazooka, Chantal Montellier, Jean-Claude Claeys, ou Romain Slocombe, s’inspirent de la photographie. Il publie d’abord des albums en solo, à un rythme cadencé : Virus (1980), Banlieue Sud (1981), Morsure (1982), Bloody Mary, une adaptation du roman de Jean Vautrin(1983), Copy rêves (1984), Filles de nuit (1985), Sita-Java (1986), Zazou (1988), Gens de France (1988) et Gens d’ailleurs (1990).
Bloody Mary (Glénat) emporte un prix de la critique spécialisée de la BD à Angoulême (1984). Son album Gens de France (aujourd’hui publié chez Fakir) publié en 1988 reçoit quant à lui l’Alphart du meilleur album. Mais cet accueil ne constitue pas des ventes suffisantes pour vivre. Il passera bientôt à la TV, au Cinéma, Il reviendra cependant à la BD sporadiquement, notamment pour Florence Cestac, dans Je voudrais me suicider mais j’ai pas le temps où il évoque son copain Charlie Schlingo. Sa présence dans la BD sera surtout assuré ces dernières années par les adaptations de ses romans pour lesquelles il laisse une entière liberté à ses coauteurs.
Comme Dionnet, comme Manœuvre, il switche avec succès d’abord sur la TV avec Bernard Rapp dans L’Assiette anglaise, puis sur Canal + où il fait merveille comme chroniqueur tout en menant en parallèle après quelques temps une carrière de romancier où sa plume facétieuse lui permet de revisiter les grandes figures de l’Histoire de façon documentée mais rigolarde et amusée. Héritier de Cavanna au niveau de l’écriture et de l’esprit, ce formidable conteur, historien autodidacte, regarde les figures de notre passé avec un point de vue tout à fait nouveau : Versailles vue des chambres à coucher, voire des latrines (Le Montespan) ou les gloires littéraires (Rimbaud, Villon, Baudelaire) sous leurs aspects les plus triviaux mais aussi les plus géniaux.
Les succès ne tardent pas à s’enchaîner : Rainbow pour Rimbaud (1991), L’Œil de Pâques (1992), Balade pour un père oublié (1995), Darling (1998), Bord cadre (1999), Longues Peines sur une idée de Jean-Marie Gourio, Les Lois de la gravité, Ô Verlaine ! (2004), Je, François Villon (2006), Le Magasin des suicides (2007), Le Montespan (2008), Mangez-le si vous voulez (2009), Charly 9 (2011), Fleur de tonnerre (2013), Entrez dans la danse (2018), Crénom, Baudelaire ! (2020).
Comme nous l’expliquions dans un précédent article, les adaptations en bandes dessinées, au cinéma ou au théâtre se multiplient avec un succès à chaque fois renouvelé. Il est tellement bankable que les producteurs signent sur un synopsis de quelques lignes. Il regardait tout cela avec un amusement d’enfant, remerciant chaque jour la destinée de lui offrir cette chance.
La rédaction d’ActuaBD s’associe à la tristesse de ses proches, mais il laisse l’image d’un bel esprit, généreux, sympathique cultivant l’humour avec élégance.
(par Didier Pasamonik - L’Agence BD)
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