C’est le quatrième roman qu’il adapte en BD, lui qui a fait ses débuts comme dessinateur de BD en adaptant le roman de Jean Vautrin, Bloody Mary. Un genre où il a donné avant de bifurquer vers la télévision (l’intégrale de Gens de France a été réédité récemment chez Ego Comme X).
Après Le Montespan, Je, François Villon T1 (sur 3), Le Magasin des suicides, voici Charly 9, la biographie d’un roi de France auquel l’histoire n’a pas fait de cadeau et qui lui a rendu la pareille : "C’est un mec extraordinaire, nous dit Teulé. Un gamin de 21 ans qui se retrouve roi de France parce que son père meurt dans un tournoi et parce que son frère aîné meurt de maladie, à une époque où ce n’était pas du tout le moment, en pleine Guerre des religions entre les Protestants et les Catholiques. Poussé par sa mère, il ordonne le Massacre de la Saint-Barthélemy, en proférant : "Tuez-les tous !" Celui qui va le plus lui reprocher ce massacre, c’est lui-même. Deux ans après, il meurt de désespoir en pissant du sang de tout son corps, c’est un personnage assez atypique, un mec qui a pas eu de bol !"
De fait, il décide de fixer le début de l’année le 1er janvier, cela fait des milliers de morts ; il fait donner du muguet le 1er mai au peuple mais celui-ci, affamé, le mange et s’empoisonne ; même ses obsèques à Saint-Denis ont été un massacre. "C’est vraiment le roi de la loose !" s’esclaffe Teulé. En même temps, dans son entourage, on trouve quelques-uns des esprits les plus éclairés de son temps : Ambroise Paré, Ronsard, catholique ultra favorable à la Saint-Barthélémy, Bernard de Palissy... C’est le roi d’une France qui entre dans la modernité. On comprend que le sujet ait passionné le dessinateur Richard Guérineau.
"C’est la première fois de ma vie que je le rencontre", nous dit Teulé au moment du lancement de l’album. Le contact a été créé par Marya Smirnoff éditrice chez Delcourt qui a fait l’intermédiaire. Teulé lui donne son blanc-seing. "De temps en temps, on s’appelait au téléphone. Je recevais les dessins au fur et à mesure. C’est un boulot de virtuose. Mais j’étais dans la promo de "Fleur de Tonnerre", mon dernier roman, je n’avais pas le temps. En ce moment, j’ai un bol pas possible, presque tous mes livres sont adaptés au cinéma, au théâtre et en bande dessinée."
Effectivement, le 10 janvier 2014, Mangez-le si vous voulez démarre au théâtre Tristan Bernard pour au moins 60 dates. Le théâtre Hébertot va jouer Les Lois de la gravité. Le Montespan vient d’être signé avec la Gaumont pour devenir un film aux États-Unis. Le Magasin des Suicides connaît actuellement 27 adaptations théâtrales dans le monde... On en oublie.
C’est une des raisons de la liberté complète qu’il laisse à ceux qui adaptent ses romans : "Je n’arrive plus à suivre, donc je fous la paix à tout le monde ! Dans cette BD, je n’ai rien fait, c’est lui qui a fait tout, tout seul. Je lui disais : fait-ce-que-tu-veux. Je pars du principe qu’à partir du moment où les adaptateurs achètent les droits, ils sont à eux, qu’ils ne s’occupent pas de moi ! Des fois, je suis un peu déçu, mais avec ce « Charly 9, » je suis enthousiaste. Ce roman est également adapté au théâtre Opéra de Metz à partir du 13 avril, il va se jouer à Londres, c’est marteau, non ?"
Les libertés prises par Guérineau par rapport à son livre, un dessinateur qui convoque aussi bien Johan & Pirlouit que Lucky Luke l’amusent, même s’il est féru d’exactitude historique : "J’aime beaucoup « La Reine Margot » de Chéreau, mais tout était faux. Par exemple, tous ses personnages avaient des cheveux longs et pas de chapeau. Or, il se trouve qu’à l’époque de Charles IX, tout le monde avait un chapeau et personne n’avait de cheveux longs. Ce n’est pas un reproche, c’était son goût, il voulait qu’ils aient tous des gueules de hippies. Dans Chéreau, qui est parti de Dumas, il n’y a pas les noms exacts des personnages historiques. J’ai tout remis en place."
Teulé n’arrête pas. Il commence à écrire ces jours-ci son nouveau roman dont on ne saura rien. Le patron de la Gaumont a décidé d’en acheter les droits cinématographiques "juste sur le sujet et le titre, comme quoi, le monde est injuste !" rigole-t-il. "Je gagne très très bien ma vie. Je paie des impôts hallucinants, nous dit-il. Les trois derniers mois de cette année, j’ai payé 57 600 euros d’impôts chaque mois, et je trouve cela normal. Que je fasse un livre qui soit lu par 10 000 personnes ou par beaucoup de gens, c’est le même travail. Ce sont les gens qui m’apportent cet argent. Qu’il retourne vers eux en partie sous la forme d’impôts, je trouve cela normal. C’est gigantesque, mais normal. Tout va bien, je suis content de tout. Pour les adaptations, je fous que dalle et je gagne très bien ma vie. Cela ne durera pas, je me dis que je suis dans l’air du temps et qu’à un moment, forcément, je n’y serai plus. Je laisserai alors la place aux autres."
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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