Romans Graphiques

Aparthotel Deluxe - Par Edo Brenes - Ed. La Boîte à bulles

Par Christian GRANGE le 3 mai 2024                      Lien  
Un sens remarquable du récit et un savoir-faire évident dans ce récit polyphonique ; certains personnages subtils et attachants ; une exploration de la condition humaine et psychologique qui, parfois, peine à convaincre, mais un auteur à suivre.

Auteur originaire du Costa Rica, Edo Brenes a d’abord publié des histoires courtes. Il a ensuite fait Lobster paradise en 2019, Bons baisers de Limon en 2022 et Touristes à la Havane en 2023.

Aparthotel Deluxe - Par Edo Brenes - Ed. La Boîte à bulles
L’appartement du père
Une première planche réussie : l’absence du père est évoquée à travers les objets et les pensées du narrateur.

Les lecteurs français ont pu apprécier son récit Sofia dans la revue Métal hurlant n°5 (novembre 2022). Histoire en 11 pages sur une désintox au métavers !

Dans un univers tout à fait différent, Aparthotel deluxe a été créé directement pour un éditeur français, en l’occurence La Boîte à bulles.

Selon le résumé de l’éditeur, la douche de monsieur B. coule en continu depuis ce matin mais personne ne répond quand on frappe à sa porte. Ses voisins s’inquiètent... Et s’il avait glissé sur le carrelage ?

Au fil de leurs allées et venues, le pallier de Monsieur B. devient un point de rencontre. On s’y croise, on s’y questionne, avant de reprendre chacun le cours de sa vie.

Dans ce vieil immeuble costaricain, typique de San José, sa capitale, cohabitent des individus en proie aux doutes : Garçon, un jeune homme profondément croyant mais adepte du travestissement, Isaac, un jeune père célibataire à l’avenir trouble, ou encore Jan, leur concierge, et sa femme Tori, qui fuient un mariage engagé trop jeune.

Complexité des relations de couple
Image identique ; ce sont les pensées du personnage qui progressent.

Dans ce récit choral formidablement mené, Edo Brenes capture les questionnements d’une société profondément religieuse à l’heure de la libération sexuelle. Par une valse narrative où les destins s’entremêlent puis se délient, il nous mène d’un instant de vie au suivant, formant en creux une réflexion sur la modernité.

Un début accrocheur

L’album débute avec deux cartes, l’une pour situer La Costa Rica, petit pays d’Amérique centrale, entre le Nicaragua et le Panama, l’autre pour localiser la capitale, San José.

L’histoire, quant à elle, démarre en page 5 avec une planche en gaufrier de 3 par 3, des plus classiques dans sa forme, donc. « L’appartement a l’odeur de papa (…) Comment ça marche l’odeur des personnes âgées ? » : pas de personnage, juste des pensées et des objets. Plutôt accrocheur comme début.

Le personnage confronté à la mort de son père s’inquiète pour l’enterrement. Son père avait-il des amis ? Seront-ils présents ? Ou bien, fils unique, avait-il survécu à ses connaissances et amis ? Il parlait souvent d’une certaine Tina dont le personnage se souvient avoir goûté les gâteaux qu’elle offrait à son père mais qu’il n’a jamais rencontré.

Dans la multitude d’objets conservés dans l’appartement, il retrouve Monsieur Mouse, poupée en forme de Mickey devenu unijambiste.

Faux mec
Le personnage du travesti face aux préjugés

Son père avait emménagé 15 ans auparavant dans cette résidence collective, Aparthotel deluxe, 14ème rue. En bas de l’immeuble, quelques sacs poubelles d’un côté et un mendiant de l’autre.

Deuxième personnage à entrer en scène, le concierge (et sa femme, Tori, sur le départ). Mme Thorne vient frapper à la porte de M. Jan car la douche de M. B. coulait quand elle est partie travailler le matin et coule toujours.

Un album réussi mais...

Beaucoup d’éléments intéressants : un pays et une société peu connus, un auteur avec un univers personnel indéniable, une justesse dans les relations humaines décrites et la complexité d’un couple, des thématiques fortes comme le questionnement identitaire et sexuel, etc.

La construction du récit est plutôt habile, avec notamment, le flashback de la découverte retardée du mort ; les liens entre les différents protagonistes qui se dévoilent progressivement ; les identités surprenantes du travesti et de Tina (appartement 1B).

Monsieur Mouse
Souvenir d’enfance. Monsieur Mouse (Mickey), symbole de l’enfance et personnage itératif de l’album.

Mais aussi, une prostituée fière de l’être : l’idée que la prostitution est un choix libre d’individus libres et fiers de l’être ne convainc guère. La dénonciation de l’église catholique manque un peu de subtilité : « la religion occidentale a détruit la société » (page 73).

Le portrait brossé de la société costaricaine semble sévère : drogue, prostitution, intolérance, ...

C’est un album à lire pour le portrait touchant d’un orphelin tardif qui, avec la mort de son père, découvre que Mickey n’est qu’un costume et celui d’une société fortement influencée par la religion et confrontée à différentes réalités sociales.

Voir en ligne : Site de l’auteur

(par Christian GRANGE)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782849534731

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