Tout tourne autour d’une poignée de personnages charismatiques : Aya, une jeune femme ambitieuse, les pieds bien sur terre et la tête bien faite, qui ne s’en laisse pas compter, ni par les hommes, surtout de pouvoir, ni par ses parents qui ont peur de leur ombre, ni par les situations, qui ne manquent pas. Elle est engagée dans la défense de la cause des étudiants ce qui, dans un pays où l’expression démocratique relève quelquefois de la poésie abstraite, vaut quelques problèmes... Elle fait d’ailleurs dans cet épisode un petit séjour en prison…
Il y a Albert, qui pense que son homosexualité a été comprise par ses parents, et qui se retrouve dans un camp « de rééducation » pour qu’il apprenne à « redevenir un homme ». Il y a Innocent, sans papiers vivant à Paris, gay lui aussi, en couple avec Sébastien, et qui envisage de faire un mariage blanc avec Sabine pour régulariser sa situation. Une situation fausse qui embarrasse son compagnon...
Il ya Bintou, actrice dans la télénovela « Gâteuse de foyer », livrée à la vindicte d’une population qui, dans la « vraie vie » pense qu’elle est effectivement une fille facile briseuse de ménages. Il y a Monsieur Sissoko, un peu au centre de cet album, dont le fils caché Grégoire est devenu le nouveau DRH de la Solibra, l’entreprise où Aya fait son stage...
Tous ces personnages, et bien d’autres tous merveilleusement typés, composent une comédie humaine d’une éminente qualité, que le dessin de Clément Oubrerie, sans esbrouffe, efficace, illustre avec subtilité.
Et puis il y a la langue, d’une musicalité rare, aux expressions éminemment poétiques et imagées, qui incarne parfaitement cette langue française appropriée par les Africains (l’Observatoire de la Francophonie estime à 447 millions le nombre de francophones en Afrique. Loin d’être étrange ou cryptique, elle donne à la langue française une couleur inédite, curieuse et amusante qui confère à mon sens à Aya de Yopougon le statut de « meilleure comédie de bande dessinée de l’année 2023."
(par Didier Pasamonik - L’Agence BD)
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