Holyland, T. 1 & 2 - Par Kouji Mori – Ed. Véga Dupuis

Yû Kamishiro est un lycéen désespéré qui ne se sent pas exister jusqu’au jour où il apprend à exécuter un jab-cross, l’enchaînement de base de la boxe. Attiré par cet art martial, il se met à errer dans le quartier de Shimokitazawa où il acquiert la réputation de « chasseur de yankees » alors que lui-même ne fait que se défendre face à plusieurs agresseurs pensant pourvoir le brimer facilement du fait de sa faible corpulence.

Dans ce monde nocturne où Yû espère trouver sa place, il est entraîné dans une spirale de violence et de vengeance liée au fait qu’il bat involontairement les champions des groupes de « yankees », les caïds et trafiquants de Shimokita. Sa réputation grandit peu à peu dans ce quartier mal famé et de nouveaux adversaires veulent se mesurer à lui pour l’éliminer. Il trouvera un allié précieux en la personne de Masaki Izawa, un jeune homme mystérieux qui maîtrise toutes les subtilités du jab cross et est intrigué par la résistance de Yû et sa capacité à placer des coups impossibles dans des conditions extrêmes.

Sous le titre assez énigmatique Holyland se cache une belle surprise servie par Véga Dupuis. Le mangaka Kouji Mori, auteur de la série Genesis et repreneur du Berserk du regretté Kentaro Miura, nous plonge dans un seinen aux allures classiques mais qui va bien au-delà de la simple bagarre entre clans. S’opposent en effet ceux qui se battent pour la frime, les faiblards, appelés yankees dans le manga, et ceux qui connaissent réellement les techniques et économisent leurs forces pour les combats qui en valent la peine.

Le héros de cette nouvelle série n’a aucune idée de ses capacités physiques. Il sait juste qu’il cherche sa place dans le monde, son Holyland, et qu’il refuse d’en être effacé. Il développe donc inconsciemment des réflexes combatifs impressionnants quand il sent qu’il va se retrouver exclu d’une zone. Mais ceux-ci correspondent à une technique de boxe très spécifique que peu de gens maîtrisent naturellement. C’est ce point qui intrigue fortement Masaki, lequel décide de l’aider.

Autant le dire tout de suite, la trame du scénario se limite aux velléités de combat de Yû qui attire l’attention de plusieurs yankees en en battant l’un qui l’avait menacé. Les amateurs de violence et de scènes d’action dynamiques pourront passer leur chemin car Kouji Mori est partisan des combats mesurés, épurés mais spectaculaires. Holyland est aussi placé sous le signe de la lenteur scénaristique, ce qui pourrait rebuter les lectrices et lecteurs en quête d’une histoire qui avance vite.

Cependant, les personnages et les dialogues sont travaillés de telle manière que l’auteur fait passer de nombreux messages importants en deux tomes seulement : voir au-delà des apparences, rester modeste et toujours sur le qui vive, ne pas se vanter, ne pas préjuger de ses forces, rechercher sa place dans la vie et dans le monde. Avec ces sujets et sa façon d’apporter des bribes de réponse à des questions essentielles à la compréhension de l’univers dans lequel évoluent ses personnages, Kouji Mori distille un suspense léger et continu qui maintient le lectorat en haleine et fait que l’on veut en savoir plus.

Côté dessin, le trait est dynamique dans les scènes de combats, avec de beaux mouvements et un tracé net contrastant avec le fouillis habituel que l’on peut rencontrer parfois dans les scènes de combat de shonen. De nombreuses planches proposent des plans resserrés sur les visages et les yeux, notamment lorsque les personnages réfléchissent. Le réalisme de l’ensemble vient renforcer les attitudes et dialogues des personnages. Les habitués du travail de Mori retrouveront les traits de Taïga, le protagoniste de Genesis, dans ceux de Yû.

Complète en 18 volumes, dont 7 sont déjà parus en France, Holyland est une belle surprise, bien plus profonde qu’il n’y paraît de prime abord et qui promet de beaux développements.