L’ours Tulipe et ses amis - les serpents Crocus et Mimosa, les oiseaux Violette, Rose et Cosmos, Narcisse le tatou ou encore Capucine la chauve-Souris - mènent une vie plutôt paisible. Tulipe surtout, qui passe l’essentiel de son temps à rêver, adossé à son arbre préféré. Les quelques petites inquiétudes ou envies, comme la crainte de Crocus de ne plus revoir Mimosa, partie à la ville, ou l’ambition de Violette de devenir une poétesse reconnue, ne troublent guère leur quotidien.
Jusqu’à ce que l’hiver survienne. Rude, glacial et enneigé, il contraint Tulipe à rester enfermé chez lui avec quelques-uns de ses fidèles amis. De grands loups, noirs et effrayants, encerclent la maison, ajoutant l’obstacle de la peur à la barrière du froid. Patience, réflexion et courage : chacun puise dans ses ressources pour affronter l’enfermement, le passage du temps puis le grand retour à l’extérieur.
Cette évocation du confinement, vécu à plusieurs reprises depuis le début de la pandémie de coronavirus, n’est évidemment pas fortuite. Bien que plutôt légère et déconnectée de notre réalité, elle n’en constitue pas moins l’un des passages les plus sombres de la série créée par Sophie Guerrive et dont les Éditions 2024 ont débuté la publication en 2016.
Mais si une ombre plane sur ce quatrième tome de la série, à laquelle il faut ajouter Le Club des amis récompensé par un Fauve jeunesse au Festival international de la bande dessinée d’Angoulême 2021, le monde de Tulipe demeure accueillant. Reposant, propice au songe et à la réflexion, ce monde aux formes et aux couleurs douces et nettes donne envie de vivre simplement, de prendre le temps de discuter, de ne rien faire.
D’apparence anecdotiques, les discussions de Tulipe et de ses amis se révèlent souvent d’une grande profondeur et d’une sagesse sonnant comme l’évidence. Pas de grande philosophie, d’envolée lyrique ou de leçon moralisatrice : Sophie Guerrive laisse s’exprimer ses personnages comme si le temps les avait rendu autonomes. Ils font des constats que chacun pourrait faire, à condition de se poser calmement et de refuser au moins un temps le tumulte du monde.
Tout est parfaitement maîtrisé dans cette série, dont les histoires excèdent rarement deux pages tout en formant un ensemble cohérent dans chaque volume : le rythme, lent mais jamais ennuyeux, les compositions, souvent resserrées mais laissant la place à de grandes respirations, le dessin, rond et très lisible, les couleurs, franches et douces, les dialogues, simples et directs, sans un mot de trop. Il faut chercher du côté des meilleurs strips pour trouver l’équivalent. On oserait même penser aux Peanuts du génial Charles M. Schulz. Avec la singularité de l’œuvre réalisée par Sophie Guerrive.
(par Frédéric HOJLO)
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L’Hiver de Tulipe - Par Sophie Guerrive - Éditions 2024 - 23,3 x 18,3 cm - 112 pages couleurs - couverture souple avec rabats - parution le 9 mai 2021 - 15 €.
Consulter la page Instagram de l’autrice.
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