Sauf que pour celle ou celui qui a été volontairement mis à l’écart, la découverte du secret est rude, parfois violente, même révoltante… ressenti amplifié par un sentiment de trahison, ou de mise en isolement volontaire.
Edith Chambon avait pour projet de réaliser une première bande dessinée consacrée au mariage. Mais elle a été victime malgré elle de cette culture du secret. Cela faisait quelques temps qu’elle sentait que quelque chose ne tournait pas rond. Ses cauchemars et pensées sombres devenaient plus récurrents. Son intimité était balafrée d’une grande cicatrice liée à une opération de l’appendicite compliquée. Mais au-delà de cette marque intime, un sentiment plus profond perturbait sa vie.
Et puis un jour, cela lui apparut comme une évidence : persuadée d’avoir été agressée sexuellement, Edith Chambon tente de faire parler ses proches. Loin de se douter de ce qu’elle allait découvrir, c’est avec un choc et un profond ressentiment qu’elle apprend et assume ensuite l’histoire de sa famille qu’elle croyait connaitre.
Cette bande dessinée ultrasensible, à fleur de peau, c’est le récit des traumatismes qui se transmettent de façon inconsciente des parents aux enfants et de génération en génération. C’est l’histoire de la résilience de cette femme qui apprend, alors qu’elle atteint doucement la quarantaine, qu’on lui a menti par omission pendant des décennies. C’est le récit de sa volonté de ne pas se laisser submerger par ce qui est difficile à accepter et à assumer. C’est une histoire de famille comme sûrement tant d’autres où l’on a préféré accepter le pire pour ne pas provoquer le scandale et la honte. C’est enfin l’histoire de son rapport à la bande dessinée, devenue un moyen d’extérioriser et de se reconstruire, plus efficace qu’une séance de psychothérapie et d’EMDR. Car Edit Chambon a laissé de coté la thématique du mariage pour raconter les plus intimes de ses secrets et exorciser sa « malédiction » familiale.
Un livre tout en couleurs, au séquençage très intéressant, dynamique et presque nerveux, hyperactif au point que les dialogues sont tronqués tant les personnages filent à vive allure. Le dessin faussement enfantin contraste souvent avec la virulence du propos et ne peut laisser le lecteur qu’abasourdi et forcément plein de questions sur ses propres secrets et ceux qu’on doit forcément lui dissimuler...
(par Romain BLANDRE)
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