Dans le centre-ville, c’est la grogne. Les marchands et les restaurateurs angoumoisins craignent que cette excentralisation entraîne une diminution de leur chiffre d’affaires. Les éditeurs, eux, redoutent de devoir organiser les plannings de dédicaces de leurs auteurs, sachant qu’il faudra que ces derniers se restaurent en ville. En effet, le site sélectionné faute de mieux, Montauzier, semble peu pourvu en restaurants. Du temps perdu, donc, résolu par des navettes circulant entre le centre-ville, juché sur le plateau qui domine la vallée, et les bulles éditeurs qui seront en contrebas. D’autant plus que cette paisible cité provinciale n’arrive généralement pas à absorber l’afflux de circulation lors de ce week-end particulier. Et ce n’est qu’un des aspects des menaces qui planent sur la prochaine édition du Festival charentais...
Un trou budgétaire
Le quotidien local, La Charente Libre, annonçait cette semaine que les organisateurs du Festival International de la BD d’Angoulême (FIBD) prospectaient toujours auprès des institutions publiques [1] et privées afin de trouver les 360.000 € qui manquent actuellement pour équilibrer le budget. Pourtant, la ville d’Angoulême a annoncé avoir allongé 400.000 € supplémentaire pour aider le FIBD. Certes, mais les surcoûts sont plus grands encore. Les charges exceptionnelles seraient, entre autres, dues à location de bus, à la construction de chapiteaux supplémentaires, au doublement de certaines infrastructures (caisses, etc),….
Nous écrivions en septembre dernier que ce déménagement était dicté par un certain pragmatisme « pédagogique », et imposé, semble-t-il, par les éditeurs. Certains d’entre eux se rebiffaient à l’idée de se retrouver à nouveau dispersés au quatre coins de la ville. Il faut dire que l’édition –enneigée- de l’année 2006 avait vu une multiplication accrue de chapiteaux pour pallier aux travaux occasionnés par les transformations du « Champ de Mars » [2]. Certains « petits éditeurs » – et ne parlons même pas des micro-éditeurs et des fanzines – ne bénéficiaient pas de l’afflux de visites généré traditionnellement par les « gros éditeurs locomotives » qui étaient généralement regroupés entre eux.
Le nouveau projet, qui réunit tous les éditeurs sur un même site est donc un moindre mal, et permettra aux festivaliers de mieux découvrir la richesse et les différentes facettes de la bande dessinée francophone. Frank Bondoux, le directeur général du FIBD, et Jean-Luc Bittard, le directeur technique, en ont vu d’autres. Leur savoir-faire a permis que l’organisation de l’édition 2006 ne se transforme pas en fiasco. Malheureusement, les conditions climatiques défavorables n’avaient pas empêché la précédente édition de se solder par un déficit, qui serait reconduit, voire amplifié cette année encore ? On le craint.
Une programmation malgré tout ambitieuse
Le président du FIBD Francis Groux et son équipe sont donc face à un challenge : réaliser une année en équilibre malgré cette nouvelle donne !
Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, la programmation de l’édition 2006 réconforte par son volontarisme. L’éventail thématique proposé par le FIBD au travers de ses expositions en témoigne. Faisons un rapide tour d’horizon des manifestations annoncées :
Woodring, remplace trondheim au CNBDI
C’était devenu une tradition. Chaque année, une grande exposition rétrospective est consacrée au président du jury. Lewis Trondheim, qui a été honoré par la prestigieuse Académie des Grands Prix, ne souhaite pas voir son travail exposé. Dont acte. Le Centre National de la Bande Dessinée et de l’Image (CNBDI) accueillera donc dans ses murs le dessinateur anglo-saxon Jim Woodring. On pourra admirer l’œuvre iconoclaste et psychédélique de ce créateur encore peu connu en France [3].
Une expo-gag orchestrée par Trondheim
Lewis Trondheim a souhaité superviser une exposition-gag où il rend hommage, avec d’autres dessinateurs, à la bande dessinée en sept tableaux…
L’exposition Universelle de la Bande Dessinée – Volet 1
Le FIBD proposera sur plusieurs années une « exploration planétaire et prospective de la création en bande dessinée, annoncée et longtemps attendue, une mise en évidence de la dimension universelle de cette world culture qu’est la figuration narrative »
Le monde de Kid Paddle
Pour donner le change aux amateurs de la bande dessinée "tout public", Kid Paddle sera la vedette d’une grande exposition ludique de 500m2 qui nous permettra de contempler des Blorks plus vrai que nature ! Le public devra mettre une grande partie de ses cinq sens à contribution pour profiter de l’événement…
Pierre Christin et « Valérian »
A défaut de recevoir le Grand Prix pour son apport incontestable à la bande dessinée, le scénariste Pierre Christin se verra honoré d’un double hommage : d’une part la projection d’un film documentaire co-produit par le FIBD consacré à l’influence de l’actualité contemporaine sur Valérian, mais également un spectacle musical inédit autour du Long Voyage de Lena.
Une Expo Hergé
Le créateur de Tintin aurait eu 100 ans en 2007 ! Une exposition devrait présenter le travail de Hergé sur près de 300m2. Des rencontres avec des experts tintinophiles seront également prévues. Pour l’heure, le FIBD est discret quant à sa destination...
Un espace Manga
Un espace Manga devrait également prendre place, à côté du « Monde de Kid Paddle », au Champ de Mars Conférences, rencontres et projections sont dores et déjà programmées.
Les Concerts de dessins
Ces concerts, initiés par Benoît Mouchart et Zep, se dérouleront pour la troisième année consécutive. Une histoire sera dessinée sur grand écran, en musique, par des auteurs différents. Le public pourra contempler les dessins se former sur un grand écran.
Les Rencontres internationales
Le FIBD se veut "international", comme son nom l’indique. Les expositions en témoignent, mais également les rencontres. Le Directeur Artistique du Festival annonce la présence des auteurs suivants : Gilbert Hernandez (Etats-Unis), Alessandro Barbucci et Barbara Canepa (Italie), Didier Comès (Belgique), He You Zhi (Chine), Sergio Toppi (Italie), Frydman et Touys (France), parmi d’autres.
(par Nicolas Anspach)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Participez à la discussion