La place des femmes créatrices dans la Bande dessinée n’est toujours pas une évidence ; nous sommes encore très loin de l’égalité hommes/femmes et d’une reconnaissance réelle de la bande dessinée féminine. Pourtant, intrinsèquement, la Bande dessinée n’est pas un médium hostile aux créatrices, à leur imaginaire, à leur regard, leur sensibilité. Mais force est de reconnaître que l’évolution est très lente.
C’est pour ces raisons, afin de porter et faire avancer une réflexion sur le sujet, que vient de se créer, sous l’égide symbolique de Artémisia Gentileschi, l’Association Artémisia (8 place Rhin et Danube, 75019 Paris. Email : assoartemisia@gmail.com) qui décernera tous les 9 janvier un prix récompensant une création féminine de bande dessinée.
Une première conférence de presse aura lieu le 8 novembre prochain à 17 heures à la Librairie Goscinny, 5 bis rue René Goscinny 75013 Paris.
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Pourquoi le 9 janvier ? À cause de Jeanne d’Arc ?
Je vous suis : cela ne peut pas être un hasard. Quel choix malencontreux...!
L’auteur doit-elle être pucelle ? Cela sent très, très mauvais
Je ne sais pas d’où sortent ces gens, moi j’ai toujours acheté mes livres en fonction de la qualité -pas du sexe. Et je suis assez âgé pour avoir vu les premiers pas de la bd féminine et féministe par extension a cette epoque.
Il existe aujourdh’ui des tas d’auteurs femmes qui dépassent la barrière des sexes pour toucher plus à l’humain. Sans toutefois perdre une perspective féminine dans leur récit. Et vous savez quoi ? Certaines ne le font même pas et dessinent...comme des hommes ! Diversité, foutue diversité !
Un prix pour la bande dessinée FEMINISTE de l’année ? Définitivement, oui ! Un prix pour un auteur féminin ? C’est pas un peu scié la branche sur laquelle on est assise ?
(Si Chantal Montellier visite ce forum, je souhaiterai avoir son point de vue... Merci)
Pour info, les membres du prix Artémisia BD sont :
Marguerite Abouet, Anne Bleuzen, Marie-Jo Bonnet, Sylvie Fontaine, Marie Moinard, Chantal Montellier, Annie Pilloy, Jeanne Puchol, Valérie de Saint-Do.
J’aimerais qu’il existe un prix de la bande dessinée masculine. Un prix interdit aux femmes, bien sûr.
Et ben oui ; c’est typiquement à ce genre de réaction infantile qu’il faut s’attendre. Réflexion et penseé= zéro. Pourquoi aujourdh’ui en France un prix pour un auteur féminin ? Est-ce nécessaire ? Et si oui, sur quelles bases ? Ne sommes-nous pas une société égalitaire ( à cela j’ai la réponse)
La France est à 100 ans derrière nombre pays d’Europe quand à l’égalitarisme, je suis un peu surpris que C. Montellier soit impliquée dans ce projet.
Bonjour,
Alors en fait le choix du 9 janvier tient au fait qu’il est la date anniversaire de la naissance de Simone De Beauvoir, féministe convaincue dont on peut dire qu’elle a contribuer à la cause des femmes. On fêtera son centenaire précisément le 9 janvier 2008.
La création d’un prix de la bande dessinée féminine est un prix supplémentaire (prix jeunesse, prix du patrimoine, prix Tournesol pour les Bd écolos) et ne veut en aucun cas faire de ségrégation mais plutôt mettre en avant le travail réalisé par les femmes et notamment convaincre les éditeurs de les éditer.
Par exemple il a été dit par les commerciaux de chez Delcourt à Mazan lors de la parution de sa bande dessinée Kheti que le nom sur la couverture devait plutôt être masculin ! Car les filles ne sont pas dérangées à acheter des livres aux héros masculins, alors que l’inverse est statistiquement une erreur commerciale !!! (source Wartmag.com depuis Bdgest))
La réalité est que cet événement est fait pour avancer et susciter l’interêt des filles autour de la bande dessinée, qu’elles soient auteures, lectrices etc. (rappelons qu’il n’y a qu’autour de 14% de femmes dans ce métier) et susciter également l’intêret des hommes principaux lecteurs et donc principaux acheteurs à s’interesser aussi aux bd réalisées par des femmes. Les prix mettent la lumière sur une oeuvre et donnent une chance supplémentaire à l’album que les autres n’ont pas.
Il ne faut pas prendre les choses autrement :-)
Cela dit, il y aura des détracteurs mais un dialogue est constructif.
J’espère que vous êtes rassurés :-)
Encore un buzz à partir de rien, c’est-à-dire basé sur la relation arbitraire qu’un internaute anonyme établit entre la date de remise du prix Artémisia et Jeanne d’Arc. Si le 9 janvier (1431) est bien la date du début du procès de Jeanne d’Arc (ce que j’ignorais, ainsi, je suppose, qu’une majorité de gens), c’est aussi en 1939, la date de la découverte du Francium par Marguerite Perey, élève de Marie Curie (par exemple). C’est aussi la date de naissance (entre autres) de Diane de Poitiers, Edith Piaf, Joan Baez, Lara Fabian, et Franck Margerin, ouf, enfin un homme et auteur de BD de surcroît ! (au passage, merci Wikipédia).
Le message de ce premier internaute, à la fois partisan et complètement erronné, entraîne donc quelques réactions qui décrédibilisent notre initiative en toute ignorance. Sans parler des allusions au pucelage, somme toutes carrément sexistes. Ou sottement graveleuses. Mais bon, on a les fantasmes qu’on peut.
Je renvoie donc aux interventions de Marie Moinard et de Chantal Montellier pour ce qui est des raisons du choix de la date et l’explication de notre démarche. Et longue vie à la "liberté" d’expression sur Internet !
Effectivement, à partir de rien. Tels sont les dangers de l’internet. Pour ma défense... J’ai assumé que le 9 janvier était lié a Jeanne d’Arc.
D’où ma peur de récupération et ma ligne assez provocatrice et de mauvais goût sur les "pucelles". Vous auriez toutefois noté que, déjà, je faisais appel à l’opinion de C. Montellier sur le sujet, cela aurait dû vous donner une idée de mes véritables intentions.
Quand a C.Montellier, nous avons déjà débattu ensemble dans cet espace. Elle sait que je ne n’adhère pas la radicalisation de son propos. Mais c’est un auteur que j’admire, par son talent et par son choix de scénarios.
Pour revenir au vif du sujet, sachez qu’un prix féminin ne me dérange en aucune manière-et peut-être là est le problème. Chantal, crois-moi, j’ai tout les "Ah Nana" dans ma bibliothèque et oui, Claveloux était une auteure unique et importante (elle illustrait même des bouquins pour mômes et je les ai achetés pour mon fils)
Je l’ai suggéré je le répète : pourquoi pas le prix de la bd féministe de l’année : Cela nous permettrai au moins de remettre en usage ce mot honni, en plus vous n’en êtes pas si loin finalement mais vous en recevez déjà toute la m... sans avoir véritablement abattu vos cartes.
Puisque je suis interpellée, voici ma réponse :
Je me suis toujours battue pour la création féminine et pour lui donner le maximum de visibilité et de légitimité, de ma participation à la revue AH ! NANA publiée par les humanos dans les années 70/80, à la création de cet espace de légitimation au féminin pluriel.
AH ! NANA fut interdite par une censure exclusivement masculine au 9e numéro pour une pornographie qu’elle ne contenait pas, ceci dans une indifférence générale ; Janic Dionnet et moi même avons dû nous battre seule, en pure perte. (A en croire Janic, Jean-Pierre Dionnet n’était pas forcément très contrarié de voir disparaître ce journal concurant de METAL HURLANT.)
La géniale dessinatrice Nicole Claveloux qui participait à l’aventure se retrouvant sans support, elle proposa son travail dans diverses rédactions où il lui fut répondu que c’était "trop féminin", qu’elle dessinait trop lentement" et que "les bd de femmes ne se vendent pas !" (Jean-Paul Mougin).
La plupart des femmes publiant dans AH ! NANA sont retournées à l’invisibilité totale dont elles sortaient et moi je me bats toujours contre vents et marées contre un incessant travail d’effacement et des censures de toutes sortes. Contre un ostracisme permanent. Contre l’absence de reconnaissance par les instances officielles, contre un black listage qui ne dit pas son nom (voir, sur ce site, l’histoire de ma désinvitation au festival de Lausanne)...
AH ! NANA était une vitrine de l’imaginaire féminin dans la bd. Sa disparition laisse un vide.
Je me suis toujours battue, donc, mais j’ai souvent été battue ! Et je suis loin d’avoir gagné. Je continue à faire chaque jour l’expérience des blocages, des frainages, de l’ostracisme social et de sexe...
Cette initiative permettra de se battre ensemble contre ce qui nous (me) fait guerre, et si elle en dérange tellement certains ils devraient honnêtement se demander POURQUOI ?
Chantal Montellier
Faut pas être parano non plus, hein.
Les temps ont changé, on n’est plus dans les années 60 ou 70.
Cela fait trente ans qu’il est répété par Chantal Montellier qu’Ah ! Nana a été interdit à la vente aux mineurs par des hommes, mais les documents officiels montrent cependant le contraire : c’est une femme, représentante de l’Union nationale des associations familiales à la Commission de surveillance, qui a demandé cette interdiction, et demandé par la suite son maintien. (Source : Dictionnaire des livres et journaux interdits, Cercle de la Librairie.)
Merci, Sylvie, de votre contribution brillante et informée à la "Cause des femmes", je n’en attendais pas moins de cet espace qui favorise de manière écrasante la parole féminine, voire féministe ! Au final, c’est tout de même, d’après toutes les informations qui ont circulé à l’époque, en interne (Humanos) et en externe, une commission de censure composée exclusivement de représentants du sexe fort, qui a flingué AH ! NANA (et pas un autre titre bd publiant -effectivement- de la bd porno). Les témoins de cette histoire sont trop rares et trop silencieux (ses) pour que vous me fassiez taire avec vos arguments d’autorité. Quelque soit l’origine de la demande de censure, elle fut, au final, réalisée par des flics du sexe mâle. J’ai d’ailleurs fait quelques dessins, à chaud, sur ce thème et n’ai reçu AUCUN démantis de nulle part !
Je suis un témoin direct et si je ne prétends pas à la connaissance absolue, je supporte mal que l’on balaie, comme vous le faites, ce témoignage qui semble t-il, vous dérange.
CM
A plusieurs reprise, j’ai lu des interviews d’auteures qui à la fois se plaignaient de cette différenciation sexuelle de la part des journalistes et organisateurs de salons ET se voyaient néanmoins obligées d’y participer pour ne pas perdre une occasion de promouvoir leur travail. La démarche a donc à chaque fois un goût amer.
D’un autre côté, les actions féministes passées ont souvent connues des positions extrêmistes qui permettaient de rattraper certaines injustices en un balancier de courants et contre-courants.
Le problème, c’est qu’il n’y a pas là de véritable injustice, à mon sens : simplement une longue habitude des auteures potentielles à préférer la Grande Culture à la Culture Populaire que représentait la BD à l’époque (médium un peu trop masculin). C’est en train de se rééquilibrer et c’est très bien.
Mais ne serait-il pas préférable de privilégier la recherche de PUBLIC FEMININ (dans laquelle les auteures auraient une place naturelle non-artificielle) plutôt que celle d’AUTEURS FEMININS ? (à l’instar du marché japonnais ou de maisons d’éditions européennes comme la collection "Traits féminins" des "Editions de l’AN 2")
Sans tomber dans les travers de "La Semaine de Suzette", bien sûr ;-)
pfff, un prix spécial filles maintenant ! purée on nous aura tout fait ! déjà que certaines maisons d’édition nous mettent dans des collections "traits féminins" et compagnie, soit-disant que (selon les mots de thierry G.) "les femmes ont besoin de ce genre de collection pour se faire publier". ben non. c’est que des conneries tout ça. je peux vous citer des tas de femmes auteures de bande dessinée qui n’ont pas eu besoin qu’un type les mette dans une boite avec une petite étiquette dessus pour être publiées (et j’en fais partie). alors mesdames, j’imagine parfaitement qu’à l’origine, ce prix part d’une bonne intention, mais, sous couvert de développer et promouvoir la bande dessinée féminine ( existe-t-il seulement une bande dessinée spécifiquement féminine ?) ce genre de prix ne risque-t-il pas de l’étrangler encore plus ?depuis le 18e siècle, les femmes se battent pour leurs droits (en france en tous cas, et j’en suis bien contente) , mais si elles ont réussi dans certains domaines, à se faire entendre, c’est parce qu’elles ouvraient les portes pour les femmes au lieu, comme vous risquez de le faire, de les refermer. je suis tout à fait contre ce genre de prix... que faites-vous des transexués ? ou des hermaphrodites ? des autres genres que les deux que vous semblez opposer ? oula oui, c’est complexe le genre humain....et si les auteurs de bande dessinée ne veulent pas s’entendre dire qu’une héroine , ça passe moins bien qu’un héros, ils n’ont qu’à se faire publier par des éditeurs intelligents qui cherchent à faire de la bande dessinée de qualité plutot qu’ uniquement rentable... Louons les merveilleux éditeurs que sont l’association, cornélius ou atrabile (et drozophile aussi,...bon il y en a d’autres mais je vais pas faire une liste exhaustive), qui correspondent à ces critères, Ô combien rarissimes de nos jours. enfin voilà. moi, en tous cas, je trouve pas que cela soit une très bonne idée. il y a d’autres façons de promouvoir la bande dessinée, et la première serait de n’exclure personne, ni les femmes, ni les hommes, ni les transgenres. voilà.
Voilà 40 ans que je lit de la BD, et voila 40 ans que, lorsque j’en découvre une faite par une femme (hormis Claire Brétecher), c’est que j’ai farfouillé dans un rayonnage à demi-caché. La boite à part n’a pas été inventée par Artémisia, elle a toujours été là, camouflée en arrière boutique : celle d’Artémisia aura, peut-être le bénéfice d’être à la devanture.
Un exemple : j’ai découvert Wendy Pini en 1996, dans le fond d’un casier de bouquiniste alors que ses BD avaient déjà 20 ans et que je n’en avais jamais entendu parler.
Autre exemple : Geotzinger, si je n’étais pas une habituée de Mézière et Christin, je ne l’aurais jamais lue non plus.
J’aimerais en découvrir d’autres, mais il semble que les grandes maisons de publication de BD n’osent se lancer ni dans les jeunes, ni dans les femmes. Quel dommage.