Plus personne ne revient sur le sujet : depuis l’exposition Les Maîtres de la Bande dessinée européenne à la Bibliothèque nationale de France en 2000, l’exposition Moebius Transe-Forme à la Fondation Cartier en 2010 ou encore récemment l’exposition Marginalia au Nouveau Musée National de Monaco, le dialogue entre les grandes institutions artistiques et la bande dessinée est devenu une chose suffisamment commune pour que l’on ne soit plus étonné par un tel événement dans une telle institution. Ce n’est pas que nous soyons blasés, mais plutôt dans l’attente d’œuvres qui nous surprennent tant dans leur monstration que dans leur distinction : en clair qu’elles nous en mettent plein la vue et qu’elles nous donnent à voir quelque chose de neuf. C’est ce à quoi il faut s’attendre dans la grande expo au Centre Pompidou.
À quatre semaines de l’inauguration, on en sait un peu plus. Il y a d’abord le choix des commissaires, deux femmes : Anne Lemonnier, attachée de conservation au Musée national d’art moderne, spécialiste du dessin, autrice de l’essai La Bande Dessinée au musée, et Emmanuèle Payen, directrice du département culturel et cinéma de la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou et co-commissaire de l’exposition Hugo Pratt, une vie romanesque, mais aussi de nombreuses autres depuis plusieurs années, dont la dernière sur Posy Simmonds.
L’approche est certes historique mais ne vous attendez pas à un parcours englobant la totalité du 9e art ; les commissaires ont fait leurs choix :
– celui d’aborder les trois grands territoires de création de la bande dessinée : l’Amérique, le Japon et l’Europe.
– celui de privilégier une bande dessinée contemporaine qui s’est développée à la suite des années 1960 avec la contre-culture, notamment l’Underground aux Etats-Unis, la revue Garo au Japon, ou Hara Kiri et les éditions Losfeld en France, qui s’inscrivent en précurseurs de tous les territoires explorés aujourd’hui : l’écriture intime, le reportage, le discours mémoriel…, un angle qui écarte les segments traditionnels de la librairie : l’aventure, l’humour, le polar, etc.
– celui de poser le basculement en 1964, année de la création de Barbarella publiée aux éditions Losfeld, la première BD « pour adultes » de France, mais aussi la popularisation du concept de 9e Art dans l’hebdomadaire Spirou. Le 9e, derrière le cinéma (7e art) et la télévision (8e). Un 9e art moderne…
Le parcours correspond à un peu plus d’une dizaine de cellules avec comme fils rouges l’émotion, l’écriture de soi, la mémoire, l’approche plastique (le noir et blanc, de Muñoz et Tardi à Nina Bunjevac ou Thomas Ott), la couleur, la géométrie… Derrière ces choix, il y a le soutien de deux experts de la bande dessinée mondiale : Thierry Groensteen, spécialiste de la bande dessinée et ancien directeur du Musée de la BD d’Angoulême et Lucas Hureau, , directeur de MEL Compagnie des arts, qui gère la collection du Fonds Hélène et Edouard Leclerc, l’un des principaux prêteurs de cette « véritable traversée de l’histoire moderne et contemporaine de la bande dessinée, de l’underground aux styles contemporains les plus abstraits. » Nous les rencontrerons pour vous bientôt.
« Bande Dessinée (1964-2024) » est l’une des six expos qui occuperont le bâtiment : d’autres événements sont prévus sur lesquels nous reviendrons sous peu.
(par Didier Pasamonik - L’Agence BD)
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En médaillon : Moebius, "Starwatcher", 1986. © Collection privée, Courtesy MEL Publisher
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