À Kafr Karam, un petit village irakien, les avis sont partagés : certes, Saddam n’est plus à la tête du pays, mais ceux qui le sont désormais ne sont pas plus légitimes. Au-delà du seul principe d’occupation d’un pays, les Irakiens subissent brimades, moqueries et humiliations. Voyant en tout Irakien une potentielle menace, les militaires frappent et tuent aveuglément. Un jour, les GI pénètrent dans la maison où vit un jeune bédouin – dont on ne saura jamais le nom – et ses parents. Le père de famille, en tenue de nuit, est tiré du lit, bousculé, puis mis à terre. Dans la confusion, le fils voit ce que tout homme, dans la culture bédouine, ne doit jamais voir : le pénis de son père. Dès lors, après cette humiliation, la vie du fils bascule : il est condamné à laver l’affront dans le sang.
Cette adaptation du troisième tome de la trilogie de Yasmina Khadra (après Les Hirondelles de Kaboul et L’Attentat) reprend à grands traits les principaux fils directeurs de l’oeuvre originelle : la cruauté de l’occupation américaine, la mise en valeur de la culture et des valeurs des Irakiens, dans leur diversité et, surtout, le récit de l’emprise et de la manipulation progressives des groupes terroristes, prêts surfer sur la détresse d’un peuple pour recruter tout candidat potentiel à l’attentat-suicide.
Le récit, qui se lit aisément, est moins dense que d’autres publications de Philéas (112 pages). Il oscille entre l’aventure au présent et quelques sauts temporels en avant. Les tonalités ocres et orangées de Winoc restituent l’atmosphère chaleureuse de la société irakienne, la chaleur climatique et les lumières de l’Orient, mais aussi la chaleur des restes fumants et puants des bombes et des corps, dans des rues dévastées. Le livre rappelle avec justesse les coûts incommensurables de la déstabilisation d’une région.
(par Damien Boone)
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