Elle venait tout juste de prendre sa retraite, à 97 ans, un vrai rêve éveillé pour le capitalisme le plus pétaradant, même si elle ne renonçait pas à totalement reprendre ses crayons pour quelques dessins supplémentaires, pour ses fans. Ramona Fradon pionnière du dessin dans le monde des comics : très grande dame dans l’Histoire des BD estampillées DC Comics, vient de nous quitter. Son dessin très lisible tout en sourire plus qu’en impact direct, effets boum boum, et mise plein la vue a marqué beaucoup de lecteurs et artistes. Son exact contraire, le grand Neal Adams, en était très fan.
Ramona Dom est née le 2 octobre 1926, à Chicago mais a grandi à New York, ville où sa famille a déménagé lorsqu’elle avait cinq ans. Son père encourage son goût pour le dessin ce qui fait qu’elle sort diplômée de la Parsons School of Design en 1950. École où elle rencontre et épouse Dana Fradon futur dessinateur pour le New Yorker après qu’ils aient terminé leurs études.
Un ami, George Ward, qui sera plus tard l’assistant de Walt Kelly (Pogo), l’a encouragée à faire quelques essais de bandes dessinées et à les montrer aux éditeurs en place.
Une Ramona Fradon qui en ces années-là ne connaissait absolument rien aux comics, qu’elle n’avait jamais lu. Elle lisait seulement quelques comics strips.
Conseil qui décide de la direction professionnelle vers laquelle va se diriger la future dessinatrice de comic books, alors qu’à ce moment elle ne songeait même pas à faire une carrière dans le dessin.
Débuts
En 1951, Ramona Fradon est embauchée par DC Comics où très vite on lui propose de dessiner Aquaman. Bon an mal an, elle va rester liée au personnage tout au long de la décennie, rajoutant de nombreux nouveaux personnages. Elle qui n’aime pas vraiment les super-héros.
D’ailleurs on va surtout lui proposer de dessiner des super-héros, elle dont le dessin et la narration ne sont pas vraiment cinétiques, pour expliciter avec suffisamment d’intensité les échanges de torgnoles de ces personnages en slip été comme hiver -des super-héros on vous dit !- mais bon... Cela lui permet de vivre du dessin et c’est ce qui compte à ses yeux.
Il faut le dire, les dessinatrices de comic books, surtout de super-héros ne sont pas légion à ce moment-là, même si on compte plus de femmes à l’éditorial et au scénario. Dans les comics strips des journaux, les dessinatrices sont nettement plus nombreuses, même si...
Heureusement pour Fradon, à ce moment les comics de la période de l’Âge d’argent chez DC permettent une certaine fantaisie et de l’humour dans les histoires, ce qui convient parfaitement au caractère de la créatrice.
Créations parodiques et loufoques.
En chemin et durant toutes ces années chez DC, Ramona Fradon a aiguisé ses crayons et testé son sens du design pour co-créer, entre autres, les personnages Aqualad et Metamorpho, qui conviennent parfaitement à son humeur plus parodique et loufoque.
Metamorpho créé avec le scénariste Bob Haney ; un super-héros personnage assez mouvant doté du pouvoir de transformer son corps en diverses formes, fondateur du groupe Outsiders et qui à certains moments sera membre de la Justice League.
Bob Haney avec qui elle va merveilleusement s’entendre, dans une parfaite communauté d’esprit. Le dessin de l’une influençant les idées de l’autre et inversement.
Prise de recul.
En 1965, la dessinatrice a quitté le monde des comics et ses cadences plutôt élevées, nécessaires pour tenir les délais de la sortie de comics mensuels, pour élever convenablement sa fille de deux ans. D’autant que Ramona confessait toujours attendre la dernière minute pour faire le dessin.
Retour.
Elle revient en 1972 chez DC et un peu chez Marvel à l’invitation de Roy Thomas, où elle dessine un numéro des Quatre Fantastiques. Mais chez l’éditeur de Spider-Man elle est désarçonnée par la "Marvel way" : le fait de dessiner un épisode sur la base d’un court paragraphe, charge au dessinateur de combler les vides et de dynamiser au maximum le récit. Bases sur lesquelles le scénariste pose enfin ses dialogues. Marvel où tout n’est que dynamique revendiquée.
Un gros changement par rapport à DC aux scénarios plus étoffés dès le départ, pour celle qui revient aux affaires et s’avoue un peu rouillée.
Dans les années 1970 chez DC Comics, Fradon est avant-tout sollicitée pour mettre en image des histoires de Superman, Batman, les Super Friends et un personnage parfaitement adapté à son style : Plastic Man. Mais...
Vive les comic strips !
En 1980, un peu perplexe devant ce que devient l’industrie des comics, elle se dirige vers le monde des comic strips publiés quotidiennement dans les journaux généralistes.
Pour reprendre la direction de la série Brenda Starr, Reporter pour le Chicago Tribune Syndicate. Ceci quand la créatrice du strip Dale Messick va prendre sa retraite, même si elle continue de scénariser pendant deux ans avant de céder sa place à Linda Sutter puis Mary Schmich.
Fradon dessine cette série jusqu’en 1995, date à laquelle elle prend à son tour sa retraite. La première on l’a vu, puisque...
Cependant, même à la retraite, comme souvent dans le monde des comics, Fradon va continuer à travailler, écumer les conventions à la grande joie de ses lecteurs, se tourner vers la réalisation d’illustrations réservées par des fans et de pages de BD sur commandes ponctuelles - comme par exemple des histoires pour la maison d’édition Archie Comics qui mieux que toute autre convenait à sa manière, pour Nickelodeon Magazine avec une parodie d’Aquaman avec Bob l’éponge ou encore Bongo Comics- de longues années durant.
Jusqu’à très récemment et sa "vraie" retraite annoncée le 5 janvier dernier, donc.
Ramona Fradon avait été intronisée, consécration, au Will Eisner Hall of Fame en 2006.
PA
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
