Premiers états généraux de la Ligne Claire : « Pourquoi Ted Benoit ? »

Je trouve allucinant de voir un mouvement se fonder sur les méthodes artistiques de grands anciens (Hergé, Jacobs...) et se déclarer leurs héritiers... pour tout de suite s’en écarter (Swaarte, Chaland...) en une rébellion soixante-huitarde désireuse de critiquer et singer ouvertement ces mêmes héritiers (satires des savants fous, des robots et autres technologies, du racisme, d’un trait trop sage... mais toujours dans une ambiance rétro qui n’était absolument pas dans l’idée de Hergé puisqu’il vivait en son époque). La période "Pilote & Charlie", par exemple, regorgeait de cette "ligne claire seconde période" qui se voulait artistico-moderne (a t-elle précipité la chute de ce magazine ?).

La première ligne claire, donc, celle qui ne se considérait pas ainsi, se définissait par un trait régulier appliqué (mais à la plume) pour un dessin semi-réaliste. Ses suiveurs (la ligne claire auto-déclarée aux traits pleins et déliés) sont partis plus dans l’humoristique et toujours dans un second degré scénaristique... au point de critiquer les adeptes de la 1ère ligne claire qui persistaient dans le "sérieux" de premier degré (Floch). Pour moi, Ted Benoit se situe dans la seconde catégorie, à cause du scénario, bien qu’ayant un trait très "1ère vague".

Puis vinrent des dessins très réalistes, un peu froids, se déclarant également de la ligne claire, uniquement par la simplicité du trait, et automatiquement adoptés par le mouvement qui avaient besoin d’élargissement.

Longue période d’oubli, puis les nouveaux auteurs minimalistes redécouvrent ce mouvement qui leur permet de se "poser" en héritier d’une grande tradition, récoltant une partie de la gloire des grands anciens (ce que ce mouvement n’arrête pas de faire depuis le début !).

Je suis fasciné par cette capacité qu’ont les mouvements artistiques à s’accaparer des artistes qui n’ont rien demandé, créant des modes et contre-modes qui s’auto-entretiennent en des soubresauts totalement artificiels mais toujours très "nobles". C’est un spectacle de snobitude permanente. Rendez-vous compte : ils ne s’entendent pas eux-même sur la définition exacte de ce qui les réunit !