Pour l’exposition intitulée « Lignes de départ », la scénographie s’organise autour de trois aspects : raconter une scène de départ et la préparation qui précède, des entretiens sonores qui exposent les rituels de création dans l’atelier de l’artiste et les recherches qui précèdent ou accompagnent la création (carnets de recherches, pages Pinterest, publications Instagram, objets modélisés, etc.).
Nina Lechartier ouvre l’exposition. Son univers, coloré, donne à voir un circuit composé de collages - dont des éléments pris dans des publicités alimentaires, mais aussi dans des créations personnelles - et quatre personnages, situés au premier plan, qui sont sur la ligne de départ. Ces personnages ont été fabriqués en pâte à modeler autodurcissante avec chacun un moyen de locomotion qui leur est propre (nuage, ailes, roues, immenses pattes de canard).
On trouve les objets utilisés pour se préparer à l’acte sportif, ainsi que des scènes de préparation. Un monde d’arts plastiques, un mashup visuel, complété par des carnets de notes, des essais de dessins - y compris ratés selon l’autrice - et un entretien donnant à entendre le regard que porte Nina Lechartier sur son travail.
Pour Jérémy Perrodeau, qui avoue ne pas être très intime avec la pratique sportive, le défi était de s’approprier le sujet. Chose faite en imaginant une course de modules. Pour cela, l’auteur a imaginé un dispositif d’assemblage, tel un architecte-ingénieur dans son atelier-garage. D’abord, il a imaginé un inventaire de formes composé de six familles auxquelles des codes chiffrés ont été associés. Puis, un certain nombre de dés a été lancé afin de déterminer les éléments qui composent chaque vaisseau. Jérémy Perrodeau a aussi dessiné les vaisseaux, conservant cependant une liberté dans l’agencement et la possibilité de doubler les éléments.
Pour le circuit, quatre familles de paysages ont été déterminées avec des codes chiffrés, comme les modules. Les dés ont été lancés sur le support sur lequel allait être dessiné le circuit. Là où les dés atterrissaient, des paysages allaient être dessinés. Pour les espaces vides, ils correspondaient au tracé du circuit.
Les vaisseaux ont été modélisés sur logiciel, les conducteurs des douze vaisseaux dessinés (une merveilleuse litanie de tronches intergalactiques). Au dos du panneau principal, de nombreux scans des carnets de croquis où Jérémie Perrodeau a couché sur le papier des idées qui ont nourri l’expo.
Pour Chloé Wary, la volonté est de s’attarder sur un de ses personnages principaux de Rosigny Zoo (Prix du public au Festival d’Angoulême en 2020), un danseur de hip-hop ("j’étais très contente de le redessiner [...]. Cela faisait quatre ans que je les dessinais. C’était mes potes. [...] Je suis toujours heureuse de les retrouver..." (Chloé Wary)). Le sujet était donc tout trouvé : l’autrice s’est emparée de ses feutres et a donné vie à cette préparation du geste sportif, celui de la danse.
À mesure que défilent les cases, Chloé Wary multiplie les manières de créer (encre acrylique, feuilles colorées, plume). Comme ses pairs, elle a adjoint à cette mise en scène ses sources d’inspiration, des carnets de croquis, son compte Instagram, les mots et la vie des personnages de Rosigny Zoo. Ce compte servait de bibliothèque à travers toutes les représentations urbaines captées par l’autrice.
Enfin, Lisa Blumen voit sa partie de l’exposition explicitée par la commissaire Sophie Dusigne. L’espace réalisé par l’autrice a été influencée par l’athlète américaine Florence Griffith-Joyner, dont une particularité était d’avoir des ongles démesurément longs. Que signifie se préparer pour une course ?
Lisa est « fascinée par les influenceuses de beauté qu’elle pouvait regarder, presque, jusqu’à l’écœurement » (Sophie Dusigne). D’où les nombreux gros plans de l’exposition qui agissent comme un miroir tendu pour le visiteur. Un univers qui est ici exploré est celui de l’influenceuse muscu (comment se filmer dans une salle de musculation, dissimuler son visage, élaborer des tutos). Elle s’interroge sur la place de la femme dans le sport, sur les injonctions faites à son corps, musclé mais pas trop...En somme, les coulisses de l’influenceuse athlète où figure un sanglier, animal totem central dans son prochain livre.
Une exposition qui mérite le détour grâce aux commentaires des auteurs qui apportent une profondeur passionnante à leur processus de création, miroir de leurs obsessions artistiques.
(par Romain GARNIER)
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