« Si cette question dépasse très largement l’auteur Bastien Vivès, sa mise à l’honneur au Festival d’Angoulême est symptomatique d’un contexte global où les luttes contre le sexisme et les violences sexuelles peinent toujours à être entendues et reconnues. C’est pourquoi nous demandons aujourd’hui que le FIBD rédige et établisse une charte d’engagement, afin que les futures sélections et programmations du festival soient réalisées dans le respect du droit des personnes minorisées ainsi que dans l’égalité de leurs représentations. »
Voici ce que nous dit la tribune sur le site du Club de Médiapart, site qui avait déjà relayé l’affaire en interrogeant notamment le juge Edouard Durand, qui co-préside la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise).
La « vague de violences » qui fait suite à l’annonce de l’expo Vivès a fait basculer en quelques semaines le monde de la bande dessinée. Cette polémique maintenant présente sur toutes les plateformes a fait entrer la BD dans une nouvelle phase de médiatisation. Elle donne malgré elle une image un peu paradoxale, en cette année charnière qui l’a faite entrer sous la coupole de l’Institut de France, grâce à Catherine Meurisse et Pascal Ory. Les deux faces d’une même pièce en quelque sorte : d’un côté, une sacralisation par les institutions ; de l’autre, une production de comportements et dessins immatures et scandaleux.
La Tribune dans Médiapart est signée par des auteurs et autrices comme Jim Bishop, Chloé Wary, Benjamin Adam, Cy, mais aussi par des militantes, éditrices, étudiants, collectifs, chercheuses, libraires et artistes en tous genres. Elle réclame une prise de conscience collective sur « la misogynie du monde de la BD », « pour dénoncer les violences et les mauvaises pratiques dans la bande dessinée, pour qu’elles cessent et que ce milieu devienne sécurisé. » comme continue le compte Instagram.
Ce compte procède de la même manière que tous les comptes MeToo : des témoignages relayés sous couvert d’anonymat (ou non) pour garantir une parole libre et sans danger.
Si la tribune a été écrite, c’est parce que la situation actuelle répète « presque mot pour mot celles des détracteurs du mouvement #metoo en 2017. »
" Dans un monde où Roman Polanski peut encore recevoir un César malgré ses condamnations pour viol, qui ont fait la Une des médias, dans un monde où l’inceste et la pédocriminalité continuent de sévir et même d’augmenter, comme en témoignent les chiffres recensés par les organisations, dans un monde où les minorités de genre sont encore en train de lutter pour leurs droits et pour ceux de celles et ceux qui ne sont pas en mesure de se défendre par eux-mêmes (ici les enfants), avec toutes les difficultés qu’iels rencontrent pour rappeler la valeur de leur existence, il n’est plus acceptable de mettre à l’honneur des artistes faisant la promotion de la culture du viol.
Pour rappel, l’expression « culture du viol » désigne « une culture (dans le sens de l’ensemble des valeurs, des modes de vie et des traditions d’une société) dans laquelle le viol et les autres violences sexuelles sont à la fois prégnants et tolérés, avec un décalage entre l’ampleur du phénomène et l’impunité quasi-totale des agresseurs – pas uniquement au sens juridique mais aussi social."
Les réactions à cette tribune ont été toutes aussi crues, invoquant tour à tour une « idéologie malsaine », une « répression ». Jean-Marc Rochette, auteur de La Dernière Reine, y a répondu : « Je ne pense pas que les gens qui répandent un tel concept répressif savent de quoi ils parlent, ni des dangers que cela représente pour leur création ». Suite à cette affaire, dit-il, son dernier livre en date sera sa dernière bande dessinée. Rochette avait déjà considéré d’arrêter sa carrière en bande dessinée à plusieurs reprises. Cette affaire aura donc été l’excuse salée de se mettre en retrait.
Le scandale a aussi fait irruption sur la scène internationale, dans les sites d’actualité anglo-saxons dédiés au 9e art, qui mentionnent un monde « déchiré », « lourdement critiqué », [1] un festival qui « lutte pour suivre le monde tel qu’il est aujourd’hui » [2] avec depuis des années des manifestations, des grèves, des pétitions, des boycotts et des retraits d’auteurs...
La BD n’est pas un milieu isolé des problèmes de société, n’en déplaise à ceux qui préfèrent clore le débat plutôt que de l’ouvrir. Si c’était le cas, cette polémique n’aurait jamais eu lieu. La BD est un lieu de la politique comme un autre. Il n’est pas immunisé, il n’est pas immobile, et il n’est pas pérenne.
(par Marlene AGIUS)
(par Kelian NGUYEN)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
En médaillon : Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)
Participez à la discussion