Le Juge met en scène Roy Bean, un personnage de juge authentique, au début autoproclamé, usant de son saloon comme salle d’audience, comme si on était au spectacle, avant que les fédéraux lui envoient, à sa grande surprise, des justiciables, et qu’il soit nommé officiellement après quelques années de pratique.
Un personnage atypique comme le western a pu en produire souvent et que Morris et Goscinny prennent un malin plaisir à animer de façon bouffonne. On apprend dans l’excellente introduction historique de Bertrand Pissavy-Yvernault que cette figure plusieurs fois convoquée dans de grands westerns classiques (même Cary Grant l’incarna) a désormais son musée dans le saloon conservé à Langtry et que l’album de Morris et Goscinny y figure en bonne place !
La Ruée sur l’Oklahoma, le deuxième album repris dans ce recueil, est un album de transition qui raconte comment cet État a été acquis auprès des autochtones « indiens » de façon un peu loufoque. Morris et Goscinny en profitent pour raconter l’histoire à leur manière en multipliant les gags, de façon un peu poussive, il faut en convenir. Mais l’album tient sur le beau dessin de Morris et sur quelques fulgurances scénaristiques dont Goscinny a le secret.
Il faut dire que ce dernier réalise à ce moment-là presque tous les scénarios du Journal Tintin (Oumpah-Pah, Le Signor Spaghetti, Strapontin, Prudence Petitpas et une multitude de récits complets ou de gags pour Franquin, Tibet ou Bob De Moor,… ) alors qu’il est tricard pour « syndicalisme aggravé » chez Dupuis (où l’on ne veut même pas voir son nom apparaître) et à la World’s Press de Georges Troisfontaines, son premier employeur, où il avait fait la rencontre d’Albert Uderzo et de Jean-Michel Charlier, (il avait le culot d’exiger un statut pour les auteurs et les scénaristes en particulier). L’année suivante, en 1959, cette joyeuse bande lancera le Journal Pilote…
Le dernier titre du recueil est L’Évasion des Dalton. C’est le coup de génie de Goscinny qui avait fait revenir les cousins des Dalton originels érigés en icônes de la bêtise et de l’humour. Là, le futur scénariste d’Astérix est pleinement à l’aise, le scénario à la fois drôle et rythmé comme dans les meilleures comédies d’Hollywood. Les situations sont cocasses à la limite de l’absurde. Goscinny n’est à l’époque crédité dans aucun de ces albums (les pages de titre en témoignent, il ne réapparaîtra qu’en 1961) mais son génie affleure à chaque situation ou dialogue. Ajouté au graphisme rapide, juste et élégant de Morris, on a là une masterpiece.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Lucky Luke - L’Intégrale T. 5 - Par Morris & Goscinny – Ed. Dupuis
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