L’assemblée générale des Nations-Unies (ONU) a fait du 18 décembre la Journée Internationale des migrants. Depuis l’an 2000, cette date commémore l’adoption de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille du 18 décembre 1990.
Pourtant, de nombreux migrants perdent la vie. Ainsi en est-il de la jeune Mawda, fillette kurde de deux ans tuée dans la nuit du 16 au 17 mai 2018, par le tir d’un policier lors d’une longue course-poursuite sur l’autoroute belge E42.
« 2014, le Kurdistan irakien est en guerre. L’état islamique est en pleine expansion » (page 13)
L’album de Manu Scordia se base sur la contre-enquête menée par le journaliste Michel Bouffioux.
Cette nuit-là, entassée dans une camionnette avec ses parents, Amir Shrast et Ali Shamden, et d’autres migrants qui tentent de rejoindre la Grande-Bretagne via Calais, Mawda va être tuée d’une balle dans la tête.
« Mawda, ça veut dire tendresse. » page 21
Ce fait divers horrible va secouer la Belgique et faire la une des journaux (par exemple, en accès gratuit, La libre Belgique ; RTBF).
Plusieurs versions des faits circulent, émanant du Parquet, reprises dans les médias et sur les réseaux sociaux : l’enfant serait morte d’un traumatisme crânien parce que les migrants se seraient servis de sa tête pour casser la vitre ; il y aurait eu des échanges de coups de feu entre les occupants de la camionnette et les policiers ; la fillette serait tombée du véhicule…
« - Sur les réseaux sociaux, on verra fleurir un certain nombre de réactions haineuses, insultant les migrants et culpabilisant les parents de Mawda :
Belgique, pays de cocagne ! Immigration trop lourde.
Franchement une de moins on va pas se plaindre. » (page 79)
Dessinateur belge engagé, Manu Scordia a reçu le prix Atomium de la meilleure bande dessinée de reportage pour Ali Aarrass.
La boîte à bulles, qui a fêté ses vingt ans en 2023, publie des albums ancrés dans « la vie réelle », parfois intimiste comme Entre deux gares, pour le respect de la dignité et des droits humains comme Soigne, maltraite et tais-toi, ou pour préserver la mémoire de l’indicible (La rafle d’Izieu,à paraître).
La rencontre des deux a abouti à cet album nécessaire, qui veut mettre en lumière les zones d’ombre, les contradictions, les questions non-élucidées de ce qui constitue une tragédie personnelle qui est aussi symptomatique du traitement des politiques d’asile menées en Europe.
Notons d’ailleurs la capacité remarquable des auteurs belges à s’interroger sur leur pays, que ce soit son passé colonial ou que ce soit sur des tragédies plus récentes comme celle de l’exil des Kurdes qui s’efforcent de survivre et qui confient leur (sur)vie à des passeurs.
Ce documentaire (plus que roman) graphique de 160 pages est complété de douze pages de notes. Témoignage sincère d’un auteur et mise en image de la contre-enquête d’un journaliste, ce récit coup de poing secoue le lecteur.
Voir en ligne : Blog du journaliste Michel Bouffioux
(par Christian GRANGE)
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