Nicolas Dumontheuil a toujours eu une prédilection pour les idiots, dont il avait fait son tout premier succès, Qui a tué l’idiot ?, Alph-Art du Meilleur Album au festival d’Angoulême en 1997 et que les éditions Futuropolis viennent de rééditer.
En choisissant d’adapter le roman à succès d’Arto Paasilinna,Le Meunier hurlant, paru en 1981, Dumontheuil tient un idiot de première catégorie : Agnar Huttunen, venu retaper un moulin dans la Laponie finlandaise six ans après la fin de la 2nde Guerre mondiale. Au début, tout se passe bien pour cet étranger dans ce petit village, à qui il fournit des tuiles en bois à bas prix. Sauf que cet Agnar a une particularité : il se met à hurler, la nuit surtout, imitant les animaux, au point d’empêcher les villageois de dormir, qui dès lors n’auront de cesse d’essayer de l’envoyer à l’asile.
Il est question de la différence, de bizarreries, de l’étrangeté, de son acceptation, ou plutôt de son refus, car mis à part la belle conseillère horticole, peu nombreux sont ceux pour soutenir notre meunier. Placée au sortir de la 2nde Guerre mondiale, cette histoire est largement intemporelle, la peur de l’étranger et de l’autre, la veulerie de certains, n’ayant malheureusement pas perdu de leur actualité. Dumontheuil, et Paasilinaa avant lui, abordent ce sujet avec distance et humour, comme en témoignent le dialogue entre le meunier...et le Christ sur sa croix.
Le dessin dynamique, les perspectives tordues, le sens de la caricature (chaque personnage a une vraie « gueule ») servent parfaitement le propos, y apportant le décalage nécessaire. Cela n’empêche pas Dumontheuil de nous gratifier de très belles cases, voire pages entières, consacrées à la nature (pour laquelle Paasilinna a un goût prononcé) et fort bien dessinées, en utilisant entiérement la technique du lavis. [1]
On souhaite donc à ce Meunier hurlant de nombreux lecteurs, tant de la BD que du roman original, dont les hurlements doivent continuer de résonner. [2]
(par Philippe LEBAS)
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