DYSTOPIE. Dans ce troisième tome, comme pour les deux précédents (des succès en librairie), on retrouve Emmanuel Reuzé et Nicolas Rouhaud. Et puis un peu des Monthy Python pour l’absurde, et du Desproges pour les dialogues.
Les deux compères observent, observent, et puis dézinguent, dans des séries de strips dessinés et coloriés comme tout droit sortis des publicités pour la ménagère des années 1960. Vintage sur la forme, terriblement actuel sur le fond, puisqu’ils s’attaquent à tout ce qui fait l’actualité aujourd’hui : la marchandisation de l’humain, les déserts médicaux, les accrocs au shopping, les gens qui abandonnent leurs chiens, bref, à tous les cons de ce monde.
Une dame panique : impossible de trouver une place en crèche pour sa fille ! Adressez-vous à l’accueil, répond un homme : moi, j’ai réussi… Sauf que la gamine n’est pas un bébé, mais une adolescente, en train de jouer comme les bambins dans le parc d’enfants. « - C’est qu’il m’a fallu 14 ans pour que ma demande aboutisse… »
Dans un autre gag, un raciste invétéré demande à son chirurgien de l’amputer d’un bras, puis de l’autre, puis des jambes, etc… Parce qu’on lui a diagnostiqué 7% de sang africain ! L’album n’est bien sûr pas à mettre en toutes les mains, second degré oblige.
Reuzé et Rouhaud allient ce ton aussi noir que cynique au graphisme réaliste pour un résultat proche des dystopies développées dans la série Netflix Black Mirror. En plus drôle, heureusement. Mais Reuzé ne s’arrête pas là, puisque même son découpage et ses storyboards sont des pastiches. Ses personnages semblent tout droits sortis d’un Mad Men, avec leurs expressions figées, très réalistes et caricaturales. Un style “dessin publicitaire” renforcé par le découpage de Reuzé : l’ancien photographe n’hésite pas à reproduire plusieurs fois d’affilée une même case en n’en modifiant que les dialogues, procédé usité déjà, mais utilisé ici pour singer la BD industrielle avide de ce procédé pour grappiller quelques économies, ou pour produire plus vite. Tout le monde en prend pour son grade, même ses confrères.
PiGa
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