DYSTOPIE. Cet album proche de la catastrophe laisse perplexe. Outre la faiblesse du scénario, les poncifs à la chaine et la naïveté du propos, il révèle plusieurs tendances : celle de "l’intellectuel" qui fait de la BD avec une perspective enfantine (comprendre : la BD, c’est pour les petits et l’histoire doit rester simple), celle du sujet d’actualité qui fait gamberger (ici la pandémie du covid), et bien sûr la lutte contre le fascisme qui menace partout et tout le temps.
Le pitch ici se contente de recycler la très classique victoire de l’Empire sur les forces du bien (merci George Lucas) avec pour faire plus réfléchi de larges emprunts (litote) à Fahrenheit 451 et 1984. Vous voilà donc projetés en 2040. Les livres ont disparu (brûlés, censurés, interdits...) tandis que règne la haute technologie -celle des GAFA bien sûr. Qui va sauver le monde ? Les enfants. Comment ? En lisant. Avec qui ? De braves résistants qui n’ont pas oublié de fréquenter la bibliothèque de quartier.
Dès la première page, le doute était permis : une citation [1].... d’une journaliste de France Inter. Même pas France Culture, non, non, France Inter. Un vrai repère de penseurs contemporains, c’est bien connu. Tant qu’on y est, en voilà une de citation, qui vole un peu plus haut : "Avec tout ce que je sais, on pourrait faire un livre... il est vrai qu’avec tout ce que je ne sais pas, on pourrait faire une bibliothèque" (Sacha Guitry) ou encore “Je n’ai jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipé.” (Montesquieu). Une fois l’histoire lancée, comme l’inspiration de l’historien François Durpaire semble suffoquer au bout de quelques pages, nous avons droit à de petits exposés façon cours de collège : histoire de l’imprimerie, liste de lectures marquantes, puis recensement des vilains fachos qui censurent et brûlent depuis des lustres. Mais le sourire de ces charmants bambins cités plus haut va remettre des fleurs dans le jardin et nous partirons tous nous promener main dans la main avec un exemplaire de Roméo et Juliette.
Si au moins l’éditeur avait estampillé "jeunesse" ce désolant récit de SF ployant sous la naïveté et la caricature. Même pas. La Présidente, première incursion en BD de Durpaire, s’appuyait sur un contenu cohérent, crédible. Il aurait été bien inspiré de ne pas s’aventurer davantage dans la fiction.
DT
[1] Il y a des phrases qui sont faites pour nous, qui nous appellent, qui nous parlent, qui nous interpellent : c’est ça les livres (Gaëlle Josse)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
