Chaque apparence, chaque vêtement, chaque expression faciale cachent-ils la véritable identité d’une personne ? Nick mène une vie d’artiste sans le sou ; c’est l’incarnation même du monsieur tout-le-monde : apparence soignée, routine définie par ses déplacements dans un décor urbain, allant de cafés en bars gentrifiés... Son look et ses gestes, tout semble correspondre à une vie quotidienne anodine.
Avec une touche d’humour décalé, chaque espace qu’il traverse devient le théâtre d’interactions humaines. Et qui dit interaction, dit challenge de communication. Dès le prologue, McPhail brosse le portrait d’un personnage qui se fond dans le tissu urbain, s’engageant dans des interactions ordinaires avec les habitants de la ville, sans y parvenir à dépasser le seuil des conventions. De case en case, des traits gris de lavis sur fond blanc, souvent aucun décor. On croirait presque tenir un album photo.
On le voit monter des escaliers, saluer sa voisine, papoter avec le plombier etc. La narration évolue tranche de vie après tranche de vie, avec des dialogues qui révèlent un fond de nostalgie.
Pourtant, Nick se dissimule. Au fond de lui, un autre Nick insoupçonné qui ne cesse de cogiter, de repenser chaque instant sous toutes ses coutures. À travers ses errances, ses réflexions et ses rencontres, McPhail explore la complexité des relations humaines.
Malgré ses tentatives d’interaction, Nick demeure un piètre communicateur, fuyant les échanges tout en les provoquant. Craignant le ridicule, il feint par instant la distance humoristique et narre avec dérision certains épisodes - par exemple, une scène de sexe transformée en ballet théâtral.
Le récit d’Au-dedans débute sur une note intrigante : un mystère planer sur la trajectoire de ce personnage singulier aux yeux énigmatiques. McPhail opte pour une approche narrative intimiste et présente chaque scène sur une ou deux planches. Les personnages principaux - sa mère, sa voisine, une femme rencontrée dans un bar - se dévoilent progressivement, tissant un réseau nébuleux d’intentions et de sentiments.
L’album narre le voyage intérieur d’un jeune homme en quête de connexions authentiques, de liens humains sans a priori. Comme dans ses décors épurés, Mc Phail privilégie la sobriété dans les dialogues.
Les lavis gris prédominent. Les moments intenses, tels que les confessions personnelles ou l’annonce du cancer de la mère, sont représentés avec une palette chaude d’aquarelles, réhaussant l’importance des scènes, qui peuvent alterner entre humour et émotivité sincère.
Au-dedans est une histoire simple mais profonde, celle d’un jeune homme qui explore les méandres de la vie urbaine. McPhail oscille entre la gravité des récits sur la solitude et la fin de vie et une certaine distance. Celle-ci lui permet d’adopter une posture critique et de déconstruire les conventions sociales.
Le tout est porté par une plume remarquable. Dans une scène poignante, lorsque son amoureuse Wren lui demande ce qui lui manque chez elle, Nick lui répond ainsi : « Rien. C’est tout ce qui n’était pas encore arrivé que je regrette ».
Voir en ligne : Metamodernism
(par Jorge Sanchez)
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Au-dedans - Par McPhail. Traduction de l’anglais par Basile Beguerie. Éditions 404 Comics. 296 pages - 26€50.
– La chronique "Le Journal d’un solitaire ou le portrait intime de nous tous" par Jorge Sanchez