Ce marathon à la limite du supportable serait-il un tribut à l’Amérique éternelle, à ses espaces inégalés ? Irlandais fasciné par les grands espaces, Luke Healy va passer 147 jours, à pieds, à traverser la zone reliant la frontière américano-mexicaine aux abords du Canada. Sans passer par les plages de rêve et avec seulement de bonnes chaussures et un sac à dos. Un parcours tellement mythique (le PCT : Pacific Crest Trail) que des balises officielles en marquent le départ et l’arrivée. Et dont les habitants des zones traversées, notamment l’Oregon après la Californie, ont l’habitude, toujours prêts à donner un coup de main aux courageux randonneurs (et randonneuses !).
Pas vraiment taillé pour cette aventure, Healy se dévoile dans un récit alternant passages BD et pages de récit illustré. Il livre ses émotions, ses doutes, et nombre de ses douleurs. On compatit, on admire, on s’interroge aussi, comme lui. À quoi bon, finalement ? La quête de souffrance, au bout de plus de 4 000 kilomètres, atteint une dimension mystique.
Aussi sincère et émouvante qu’elle soit, l’aventure d’Americana privilégie tout de même une esthétique minimaliste qui gêne l’appréhension des paysages souvent davantage magnifiés par le texte que par le dessin. Un trait au porte-mine en noir et blanc drapé de rose pâle, qui revendique la simplicité et conserve au récit son ambiance intimiste.
Constellé de prix en 2019 par la presse anglo-saxonne, Americana se hisse au-delà de ses qualités narratives en tissant des liens mémoriels entre les migrations irlandaises d’aujourd’hui (économiques essentiellement) et la grande histoire de l’exil au XIXème siècle, où des centaines de milliers d’habitants de l’île débarquent à Ellis Island. Avec parmi leurs descendants, un certain Joe Biden.
(par David TAUGIS)
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