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Jean-Paul Krassinsky : "c’est l’aspect psychologique, les sentiments, les conflits entre personnes qui sont ma nourriture permanente"

Par Laurent Boileau le 14 avril 2010                      Lien  
Il affirme: "{toutes les belles histoires ont déjà été racontées. Il reste les autres.}" Les autres se sont d'horribles fables où "{tous les animaux apparaissant ont systématiquement été maltraités. On ne fait pas d'omelette sans casser d'œuf}"… Rencontre avec Jean-Paul Krassinsky pour évoquer {Les Fables de la poubelle} publiées chez Dargaud dans la collection {Poisson Pilote}.

D’où vient l’idée de ces "fables de la poubelle" ?

Jean-Paul Krassinsky : En fait, les premières histoires des fables sont apparues dans la nouvelle mouture de Pilote. C’était un style que je travaillais comme ça et j’avais plein de petites histoires, pas forcément développables sur un récit long. Ces fables sont donc nées au fil du temps et un peu grâce à Pilote aussi.

Quel est le mécanisme de la fable ?

JPK : ça finit mal et les personnages sont tous des rebuts, des gens dont personne ne veut : des chômeurs, des tueurs en série, des vieux …. Un peu des ratés, ils sont affreux, sales, méchants… Ce sont les deux contraintes que je me suis données pour l’histoire. Il n’y a pas toujours de morale. En y réfléchissant il n’y en a même jamais !

Le nombre de planches pour une fable est variable. Pourquoi ?

JPK : J’ai écrit ces fables un peu comme elles venaient et il n’y avait aucune nécessité à les calibrer. C’est une manière de travailler qui est assez habituelle chez moi : un récit court, après qu’il fasse 3 ou 4 pages, pour le lecteur, c’est pareil. Mais à la fabrication de l’histoire, une page peut être cruciale, donc je m’autorise cette liberté-là.

Dans vos différentes séries comme Cœurs boudinés ou Le Singe qui aimait les fleurs, qu’est-ce qui vous intéresse le plus, les relations humaines ?

JPK : Oui, c’est essentiellement de l’humain que je traite. Même si je ne m’interdis pas dans l’avenir de faire des choses différentes comme de la science-fiction où je m’éloignerai un peu des problématiques humaines. Mais oui, c’est bien l’aspect psychologique, les sentiments, les conflits entre personnes qui sont quand même ma nourriture permanente.

Jean-Paul Krassinsky : "c'est l'aspect psychologique, les sentiments, les conflits entre personnes qui sont ma nourriture permanente"
Ici, à la différence de votre série Toutoute première fois, vous "fictionnez" davantage vos histoires…

JPK : Dans la série Toutoute première fois, disons que 80% de l’album a une base réelle. Dans les fables, il y a évidemment quelques petits délires, mais il y a quand même des bases réelles et c’est souvent les choses les plus horribles ; je pense notamment à l’histoire des pies et du chat. C’est une histoire que j’ai réécrite, mais qui est déjà assez choquante en vrai !

Quel est le plaisir dans cette mécanique de fables un peu horribles ?

JPK : Quand je travaille sur de l’humour, l’idée c’est déjà de me faire marrer. D’ailleurs, quand je suis à une terrasse de café et que je glousse bêtement, j’ai un peu gagné ma journée ! Après le côté "horrible" est intéressant car il est finalement peu exploré en BD. Il y a quand même quelques spécialistes du genre qui en ont fait une marque de fabrique comme Vuillemin ou Reiser, mais je trouve que c’est un territoire qui est reste malgré tout en BD un peu vierge.

Une des thématiques qui revient dans tous vos albums, c’est la notion de l’apparence, de l’image qu’on donne de soi. Pourquoi ?

JPK : C’est vraiment une thématique qui m’est chère : j’y ai réfléchi pour plein de raisons, notamment dans mon rapport avec le métier. J’ai fait de la pub pendant dix ans et là, c’est vraiment le monde de l’apparence. Dans la pratique du dessin, on est obligé de faire des choix quant à la manière dont on se montre au monde, et même choisir un type de trait, de dessin, de récit, c’est travailler son apparence, son rapport avec les autres. Dans ma première série, je n’étais pas très à l’aise avec certains aspects esthétiques qui étaient véhiculés, même s’il y a quand même des choses que j’aime bien dedans, mais je ne m’y retrouvais pas à 100%. C’est peut-être aussi pour ça que j’ai fait les Cœurs boudinés juste après, un peu en réaction.


Graphiquement ces gros nez, c’est une marque de fabrique ?

JPK : Ah, mais c’est autobiographique, il suffit de me voir (rires) ! C’est quelque chose que je fais depuis tout petit : ce style que j’ai développé dans les fables, c’est ma manière de dessiner quand j’avais 12 ans. Je me suis un peu amélioré depuis, mais c’était déjà des bonshommes à gros nez… Alors je ne sais pas d’où ça me vient, mais c’est un style que j’ai développé tandis que je faisais des albums plus classiques.

Quelle formation avez-vous suivie ?

JPK : J’ai d’abord fait quelques années en arts plastiques et ensuite, comme ça ne m’intéressait pas plus que ça, j’ai fait un diplôme de communication. Donc je suis ingénieur en communication ! Avant de me lancer dans la bande dessinée, je voulais apprendre d’autres choses, voir d’autres gens, histoire de mettre un peu des choses dans ma "besace". Je me suis un peu détourné de mon objectif initial qui était de faire de la BD très vite. Finalement, j’ai fait de la Pub, j’ai créé une boîte… J’ai pas mal d’expérience dans le milieu "art graphique" et dans l’illustration. Sachant toujours que mon idée, c’était de pouvoir vivre de la BD.

Avez-vous une préférence entre une histoire courte ou un récit de 48 pages ?

JPK : Non, j’aime autant l’un que l’autre, même si j’ai plus souvent fait des histoires courtes. L’intérêt des histoires courtes, c’est la satisfaction immédiate quand on l’écrit. Je vois très vite le résultat. La difficulté, c’est d’être concis. Et on voit tout de suite quand quelque chose ne marche pas. Par contre, allonger la pagination permet d’avantage de travailler les ambiances. Ce qui n’est pas toujours le cas avec une histoire courte et c’est un peu frustrant pour moi, en tant que dessinateur. Donc, j’aime bien alterner.

Dans le deuxième volume des fables, pourquoi faîtes-vous appel des scénaristes ?

JPK : Après avoir fait mes "fonds de poubelles", il était normal que j’aille attaquer ceux des autres ! C’est assez rigolo comme exercice, j’ai un peu donné le thème et puis les scénaristes ont réagi selon leur sensibilité. J’avais loupé ou reporté quelques rendez-vous, notamment avec Fabien Vehlmann qui est toujours très occupé : quand j’étais disponible, il ne l’était plus et vice versa …. Donc, c’était aussi l’occasion de faire quelque chose ensemble. Travailler sur une histoire courte était plus facile pour tous ces scénaristes. [1]

Verrons-nous d’autres Toutoute première fois chez Fluide Glacial ?

JPK : Oui, je continue. Il y a d’ailleurs une adresse Internet où l’on peut anonymement raconter sa première expérience, et de temps en temps, je reçois des choses marrantes. Cette série, comme elle a un côté un peu documentaire, avance au fur et à mesure de la matière. L’été dernier, elle a beaucoup avancé parce que je suis allé à des mariages et j’ai un peu fait parler les gens ! Je suis content d’être chez Fluide, je m’y sens bien.

(par Laurent Boileau)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Photo © L. Boileau
Illustrations © Krassinsky/Dargaud

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[1Gwen de Bonneval, David Calvo, Sébastien Cosset, Nicolas Digard, F’murr, Hubert, Maïa Mazaurette, Fabien Nury, Benjamin Richard, Marc Védrines et Fabien Vehlmann.

 
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