Mimizuku et le roi de la nuit nous ouvrent les portes d’un monde sombre et poétique qui nous est déroulé à travers le regard d’une ancienne très jeune esclave errant dans une étrange forêt. Venant au monde sans rien, ne possédant que ses chaînes, ses vêtements et le nom d’un oiseau de la nuit, Mimizuku, est animée par un profond désir de trouver la mort dans cet antre maudit et verdoyant qui n’est d’autre que le berceau des démons. Elle y fera la rencontre du maître de ces lieux dont le plumage baigne éternellement dans la couleur de la nuit et dont le regard crépusculaire imprègne et adapte l’iris de son œil aux couleurs de la lune.
Au cours de ce prologue qui nous dévoile un environnement pesant, nos premiers pas dans cette forêt accompagnent la protagoniste dans cette demeure où siègent les démons. Chaque page nous révèle un nouveau charme dont l’élégance reste parsemée de mélancolie.
Le ton est rapidement posé, et par ses traits épurés, l’autrice nous dessine le cadre de ce conte fantastique à la beauté douce et amère. Par ce biais, l’œuvre de Yu Suzuki aborde les thématiques de l’acceptation de soi, parle de l’humain dans son aspect le plus sombre, un portrait à la beauté fragile. On y observe une héroïne à la fois pure et meurtrie, dont la franchise brute et déconcertante est née paradoxalement du mépris des hommes, n’ayant eu que de cesse de lui rappeler qu’elle n’est point humaine.
Toujours soumise aux regards et au jugement abject d’autrui, disposant d’une faculté de distinction dans la réalité brumeuse du bien et du mal, ne craignant pas la mort, c’est chez le monstre qu’elle se réfugie. Débutant ce qui semble être une longue réconciliation avec sa nature profonde et son humanité, elle se construit une nouvelle perception du monde, dont les premiers émerveillements sincères sont touchants…
L’œuvre originale n’étant pas sortie en France, la vision de Yu suzuki qui dégage un charme particulier, nous permet d’entrevoir dans ce premier volume les recoins de ce petit Eden fantastique dont les origines n’attendent qu’à être dévoilées. Récit prévu en 4 tomes, la suite des errances de Mimizuku se poursuivra le 9 septembre 2022.
Curieux de découvrir davantage ce que cette série peut nous offrir, nous suivrons avec attention ce duo d’artistes qui, en nous délivrant ce récit tragique et déstabilisant, nous a d’emblée séduits.
(par PiAi)
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