Ancienne sniper d’élite, Jun se retrouve à la rue avec ses cauchemars, ses réflexes de super-soldat et ses crises de manque. Les anciens combattants sont vus comme des parasites, une proie facile pour les dealers qui exploitent leur dépendance à un calmant distribué par l’armée.
D’abord pour obtenir ses propres pilules, puis pour s’en prendre à ceux qui profitent de la détresse des vétérans, Jun entreprend une croisade solitaire contre les trafiquants, sans se soucier des répercussions sur les autres ex-soldats. Quand elle s’en prend aux gangs, elle se révèle mortellement efficace et s’aperçoit que la guerre ne l’a pas quittée.
Le titre annonce sobrement le thème : Post Traumatic Stress Disorder ou trouble de stress post-traumatique, c’est ce qu’éprouvent les victimes d’événements violents. Cela peut se manifester sous la forme de flashbacks ou de cauchemars où la victime revit l’épisode traumatisant. Ce trouble n’était pas encore reconnu pendant la Première Guerre mondiale, où nombre de soldats choqués ont été fusillés pour lâcheté, avant d’être réhabilités, post-mortem bien sûr [1]. Ce terme a été popularisé notamment après la Guerre du Viêtnam suite aux graves traumatismes psychologiques chez les vétérans américains.
C’est cette guerre qu’évoque spontanément l’album, par les uniformes des soldats et les scènes de combat. Mais bien que Jun semble avoir fait partie de l’armée américaine, elle vit désormais dans une mégapole qui rappelle Tokyo, en dépit de l’absence de détails fiables. Les repères temporels et spatiaux sont brouillés à dessein, pour donner à cette histoire une résonance universelle tout en puisant dans notre inconscient collectif.
Guillaume Singelin invente une ville composite où se mêlent des éléments du japon traditionnel (boutiques minuscules, temples, objets du quotidien) mais aussi des immeubles modernes. L’absence de véhicules motorisés apporte un charme supplémentaire. Sous la pluie ou ensoleillée, sordide ou bouillonnant de vie, la ville est sublimée par une mise en couleur vraiment réussie.
Le schéma est classique mais bien traité, l’auteur prenant le temps de mettre en place les situations et leur évolution. Au début, Jun est prisonnière de son traumatisme, puis elle évolue graduellement, grâce à quelques rencontres et surtout à l’attachement indéfectible de son chien. Mais c’est lorsqu’elle s’autorise à soigner les laissés-pour-compte qu’elle prend conscience qu’une forme de rédemption est possible. Les personnages secondaires variés montrent d’autres facettes du syndrome P.T.S.D., ou de la réalité de la vie dans les bas-fonds. Un sujet grave traité avec brio.
(par Lise LAMARCHE)
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P.T.S.D., par Guillaume SIngelin, Label 619 - Ankama.
19 x 27 cm, 208 pages, 19.90€
Sortie le 01/03/2019
Autres albums de Guillaume Singelin sur ActuaBD :
The Grocery, sur un scénario d’Aurélien Ducoudray
Doggy Bags
Midnight Tales T.1
[1] Voir à ce sujet le magistral film de Stanley Kubrick Les Sentiers de la gloire