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Brève rencontre avec : Zou, auteur des "Chroniques de Guerre"

22 juillet 2021 Commenter
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RENCONTRES ESTIVALES #9. La pandémie de coronavirus et le confinement du printemps 2020 ont déclenché des vocations. Écriture, musique, dessin... Les activités de création, grâce au temps retrouvé, ont connu un regain d’intérêt. La situation exceptionnelle vécue par la majorité des habitants de la planète à ce moment-là a elle-même inspiré des réalisations. Trop d’après certains éditeurs, qui ont été submergés de manuscrits. Zou, lui, n’est pas un nouveau venu, même s’il n’est guère connu. Avec son compère Pic - Denis Lelièvre - notamment, il a publié chez Futuropolis « canal historique », dans (À Suivre), Franck Margerin présente ou encore le fanzine Waka Waka au début des années 2010. Nicolas Thuret - le véritable nom de Zou - a été pris pendant le confinement d’une frénésie d’écriture et de dessin, simultanément. Résultat : un journal « dessinécrit » au quotidien, rassemblé sous le titre Chroniques de « Guerre », un ouvrage autoédité et autodiffusé, dense, drôle et personnel.

Le premier confinement a été pour beaucoup l’occasion d’écrire et de dessiner. On a craint une production pléthorique et pas forcément passionnante liée à ce moment inédit. Que pouvez-vous souligner de spécifique dans vos Chroniques, qui les distinguerait d’un simple récit de l’enfermement ?

N’ayant pas lu d’autres ouvrages sur la question, sur le fond, je ne sais pas. Disons déjà que ce n’est pas une chronique de l’enfermement, puisque nombre d’entre elles sont consacrées à ce qu’il se passe dehors, localement et globalement.

Brève rencontre avec : Zou, auteur des "Chroniques de Guerre"
Chroniques de "guerre" © Zou / Le Fond la forme, la forme le fond 2020

Concernant la forme, c’est un truc qui ne ressemble à rien, à rien de connu, peut-être plus proche du carnet de voyage, quoique… Je me suis permis toutes les libertés de formes, texte écrit illustré, bande dessinée, dessin de presse, et même détournement d’images.

On peut aborder ce bouquin de différentes façons : ne regarder que les dessins, qui fonctionnent, me semble-t-il, sans texte ; et vice et versa, les textes sans les dessins, quoique plus rarement ; et dans n’importe quel ordre.

Comment s’est passé le processus d’écriture (textes et dessins, de toute façon inséparables chez toi) pour ces Chroniques ? Un travail quotidien ? Des retours en arrière ?

Avec le recul, j’ai l’impression d’avoir été pris d’un coup de folie, d’une drôle de frénésie, submergé par une rage, une colère accumoncelée depuis des années. Soudainement, on n’est plus dans la fiction, mais carrément dans le film, et en tant qu’acteurs. Plus de projets, plus d’avenir, rien d’autre que le présent ! Que faire d’autre alors, sinon rendre compte de ce moment particulier où on ne sait rien, où on avance pas à pas dans un opaque brouillard d’informations floues, surprenantes, irritantes, ou même cocasses.

Et on crache, on crache sa bile accumulée depuis… Depuis, on ne s’arrête plus d’écrire, et l’on choisit cette forme d’expression un peu bâtarde, pour ne plus avoir à dessiner que des images-clés, pas celles de transition comme c’est le cas en bande dessinée, car c’est juste plus amusant à réaliser. Et l’on décide d’envoyer ça par courriel sous forme de PDF à quatre petites centaines de personnes, en se disant que là, elles auront bien le temps de lire, sur leur écran, entre deux séances de télétravail.

Au début, une grande partie des textes des chroniques était photocomposée, c’est suite à des retours de lecture que j’ai fini par tout lettrer manuellement et donner plus de place aux dessins. J’en ai aussi réutilisé certains réalisés par le passé : des gens masqués, voilà plus de vingt ans que j’en dessinais, et ce qui semblait auparavant tiré par les cheveux est soudain devenu une réalité tangible, sinon palpable et même dangereuse sans gel hydroalcoolique.

Chroniques de "guerre" © Zou / Le Fond la forme, la forme le fond 2020

Vous avez mené ce projet seul de bout en bout, y compris pour la diffusion. Comment vous y êtes-vous pris ?

Au sortir du confinement, disons vers juin 2020, après avoir empilé un certain nombre de pages sur le sujet, j’ai effectivement fait une tentative auprès de trois éditeurs mainstream, me disant que seuls ceux-là avaient les moyens d’être réactifs rapidement. Mais ce n’était pas le cas, contraints qu’ils étaient de remettre en question toute leur programmation, prévue sur plusieurs années. Sans doute aussi que la forme du projet et le fait que l’auteur n’avait rien produit depuis une trentaine d’années n’était pas là pour les encourager.

De toute façon, j’étais pris de frénésie, et j’avais décidé coûte que coûte d’aller jusqu’au bout, et de le réaliser, ce bouquin. Quasiment contraint et forcé même, car je n’étais pas tout seul : les corrections étaient rentrées, la préface écrite (là où j’attendais une page et demie, il y en avait trois), ils ne s’étaient pas foutus de ma gueule le préfacier [1], le correcteur [2] et le dessinateur [3] sollicités, j’étais au milieu du plongeoir, je ne pouvais plus reculer, d’autant qu’en sus il y avait même le pognon pour le faire [4]

Le travail d’édition était lancé. Pour des histoires de coût, j’avais prévu, comme c’était le cas par le passé, seulement deux cahiers en quadrichromie de 16 pages entre les pages en noir et blanc, ainsi qu’un dépliant tout en me faisant la réflexion que j’aurais sûrement dû batailler ferme avec mon mon éditeur, si tant est que j’en eusse trouvé un, pour l’obtenir, mon fold-out [5] COVID-19 au centre du bouquin. J’ai travaillé la pagination au petit poil, un poil de cul que j’ai même été jusqu’à couper en quatre, pour exécuter un foliotage évolutif augmentant de pages en pages à l’image du virus, et même poussé le vice à le maquetter différemment sur les pages de gauche où leur nombre est pair, et sur les pages de droite où il est impair, le genre de chose que seule une personne vraiment dingue saurait remarquer.

Aussi, quand j’ai reçu quasiment coup sur coup les réponses négatives des deux derniers éditeurs contactés dont la plus bienveillante m’a rappelé que j’avais vraiment pas choisi la facilité en mélangeant texte, dessins, photos, sur un format, qui plus est, à l’italienne, la maquette était quasiment terminée. Maquette que j’ai dû reprendre en partie quand le dernier imprimeur contacté a proposé la quadrichromie sur l’ensemble pour un prix plus avantageux, ce qui valait la peine.

Le bouquin a été imprimé en novembre 2020, lors du second confinement. Noël approchait, et ça a été l’occasion d’en écouler deux-cent sur les mille imprimés, en majeure partie par correspondance.

J’ai ensuite cherché un diffuseur, plutôt mollement, sans trop savoir où m’adresser ni connaître la démarche adéquate, car si dessiner et éditer c’est excitant, s’occuper du suivi de la publication, démarcher les librairies à vélo avec sa bite et ses mollets pour leur laisser le livre en dépôt, faire des services de presse aux journalistes qui s’en battent ovaires et couilles, c’est une autre histoire, un autre métier… Que je suis content d’avoir expérimenté, mais qui franchement ne me passionne pas, même si c’était intéressant de se retaper toute la chaîne de l’édition, de la création jusqu’à la distribution.

Maintenant, il faut que ce livre sorte du ghetto dans lequel il s’est auto-confiné, que ça puisse être disponible hors de la capitale et de sa région. Ce qui n’est pas évident sans diffuseur, sans distributeur et sans code-barres sur le bouquin !

Chroniques de "guerre" © Zou / Le Fond la forme, la forme le fond 2020

FH

Propos recueillis par Frédéric Hojlo.

En médaillon : couverture de l’ouvrage (Zou, décembre 2020).

- Chroniques de « Guerre ». Journal dessinécrit d’un premier confinement - Par Zou - Édition Le Fond la forme, la forme le fond - préface par Jean-Pierre Dionnet - 24 x 17 cm - 120 pages en noir & blanc et couleurs - couverture souple - parution en décembre 2020 - 13 euros.

- Lire la chronique de Chroniques de "Guerre" sur ActuaBD.

Livre disponible en région parisienne :
- Thé Troc, 52 rue Jean-Pierre Timbaud 75011
- Le Monte-en-l’Air, 2 rue de la mare 75020
- Le Regard moderne, 10 rue Gît-le-Coeur 75006
- L’Asiathèque, 1 rue Deguerry 75011
- Publico, 145 rue Amelot 75011
- Super Heros, 175 rue Saint Martin 75003
- Philippe le Libraire, 32 rue des Vinaigriers 75010
- Quilombo, 23 rue Voltaire 75011
- La caverne des BD, 67 bd Diderot 75012
- Album, 8 rue Dante 75005
- La terrasse de Gutenberg, 5 rue Emilio Castelar 75012
- LAVO/MATIK, 20 bd du général Jean Simon 75013
- Bulles de salon, 87 rue Daguerre 75014
- Tropiques, 71 rue Raymond Losserand, 75014
- Halle Saint Pierre librairie, 2 rue Ronsard 75018
- Textures, avenue Jean-Jaures 75019 Paris
- Michèle Firk, 9 rue François Debergue 93100 Montreuil
- Libertalia, 12 rue Marcelin Berthelot 93100 Montreuil
- Folies d’Encre, 9 Avenue de la Résistance 93100 Montreuil
- La Flibuste, 3, rue JJ Rousseau 94120 Fontenay sous Bois
- Millepages jeunesses-BD, 174, rue de Fontenay 94300 Vincennes

Voir en ligne : Ecrire à l’auteur pour se procurer le livre

[1Jean-Pierre Dionnet.

[2Humphrey Beauvoir.

[3Placid.

[4Le livre a été financé par une partie du trésor de guerre gagné lors de la vente du livre Tous coupables ! (2007) sur « l’affaire » Placid, dessinateur condamné pour avoir caricaturé des policiers en cochons.

[5Pages à déplier.

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.


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