BD & IA. Les deux vocables sont si populaires qu’ils ont eu droit d’emblée à leurs acronymes : bande dessinée et intelligence artificielle. Pourtant, leur association sent le soufre comme une sorcière d’Halloween. Initial_A est une rêverie à la 2001, Odyssée de l’espace, une réflexion sur une Humanité effacée, remplacée, substituée par les robots...
Caractéristique : toutes les images de cette BD ont été générées par des « prompts » adressés à Midjourney, une IA qui a « digéré » les images du web pour les recombiner en images inédites. Le dessinateur Thierry Murat a voulu se confronter à cette « glaise numérique ». Un grand éditeur de la place lui a signé un contrat conséquent mais, à peine l’ouvrage achevé, lui a signifié qu’il ne publierait pas le livre, lui laissant même conserver son avance de droits… Pourquoi ? En raison de pressions d’auteurs-maison qui, par peur, par corporatisme, par conviction politique... le menaçaient de représailles si cet album était publié par cette maison.
Murat a donc repris ses droits, lancé un financement participatif sur Ulule, et publié son album dans la structure Log Out. Laquelle, en raison de pressions semblables, n’a pas trouvé de distributeur…
Mais aujourd’hui, on peut créer sa propre boutique sur le web et mettre ses produits sur des marketplaces comme Amazon. Plusieurs centaines d’exemplaires d’Initial_A se sont écoulés en direct le site LogOut-edition.fr. Les libraires commandent à l’unité, mais aussi par 2, 3, 5 ou 10 exemplaires…
L’auteur a reçu quelques témoignages de clients qui, ayant sollicité leur libraire, ont reçu des retours crispés et, « par idéologie », des refus de commander. Or, le « refus de vente » est interdit par la loi. C’est même une contrepartie de la Loi Lang sur le prix unique du livre… Et n’importe quel libraire peut commander l’ouvrage puisqu’il est régulièrement référencé sur les plateformes Electre et Dilicom par l’éditeur Log Out qui a publié le livre. En dépit de cela, près de la moitié du tirage a été écoulé depuis un mois. Donc, pour Thierry Murat, tout va bien.
Le regard qu’on lui jette dans la profession a changé aussi. Après la participation de l’auteur à quelques tables rondes où on ne l’a pas ménagé (On peut en voir une ICI), et diverses rencontres avec des journalistes, son statut a changé : il est passé de « paria et traître de la BD » à « expert éclairé dans le domaine de la création artistique confronté aux milieux de la tech et de l’IA. »
« Je suis maintenant invité à parler en tant que précurseur et non plus en tant qu’auteur de BD controversé, j’ai changé de bocal. L’eau est plus fraîche et plus claire » nous dit-il. Heureusement, car cette tendance à régimenter les artistes en leur disant ce qu’ils doivent faire ou ne pas faire est absolument insupportable. Face à toute innovation, il est de leur devoir de tester, d’expérimenter. C’est ce qu’a fait Murat, rien d’autre. Il a eu raison de résister.
DP
Voir en ligne : Le site de l’éditeur indépendant Log Out
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