On ne présente plus Le Fantôme de Canterville, une nouvelle d’Oscar Wilde publiée en 1887, qui a déjà bénéficié de trois adaptations en BD, dès 1980 (par Arranz aux éditions G.P.), en 2003 (par Jean-Luc Cornette et Christophe Hanze aux éditions Delcourt) et en 2010 (par Paul Drouin et Céka, aux éditions Petit à Petit), sans compter les séries télévisées, les quatre films, les pièces de théâtre, les opéras... Il est vrai que le récit se prête particulièrement bien à un album jeunesse et qu’il est tombé dans le domaine public depuis longtemps...
Faut-il rappeler l’histoire ? Le très américain Monsieur Otis achète le manoir de Canterville où il vient s’installer avec son épouse et ses trois enfants. Mais la bâtisse est hantée par l’esprit tourmenté de Sir Simon, depuis qu’il a tué son épouse Eléanor voici quelques siècles. Malgré toutes ses tentatives, il n’arrive pas à effrayer les nouveaux habitants et il est même ridiculisé. D’ « effrayeur », il devient effrayé…
La lecture est aérée, avec de grandes cases et de belles illustrations pleine page par Elléa Bird. Le découpage n’est pas régulier, les inter-cases sont importantes ce qui laisse de grandes respirations. Le récit prend son temps et arrive à retranscrire une atmosphère posée, comme celle que l’on pourrait ressentir dans un vieux manoir anglais, ce qui tombe plutôt bien. Le dessin est à l’avenant : les traits sont amples, doux, avec peu de détails. Le récit est harmonieux. Les amateurs de sensation forte passeront leur chemin.
L’album est complété par quelques lignes sur Oscar Wilde et le contexte historique de l’époque. Il faut signaler les illustrations en noir et blanc de ce dossier qui sont de grande qualité. On peut regretter que l’ensemble de l’album n’ait pas été réalisé ainsi. Pourquoi pas dans une prochaine BD ?
Plus original, l’adaptation du roman initiatique de Jean-Claude Mourlevat, paru en 2000 aux éditions Pocket Jeunesse, La Rivière à l’envers, est une vraie réussite. Les auteurs, Maxe L’Hermenier (scénario), Djet (dessin) et Parada (couleur), nous font suivre les aventures de Tomek, jeune épicier dans un monde où les contes ne sont peut-être pas si loin de la réalité.
Lui qui se targue d’avoir de tout dans son magasin (du sucre d’orge au sable du désert encore chaud), une mystérieuse et belle cliente lui demande un peu d’eau de la rivière Qjar, l’eau qui rend immortel. Mais il ne peut rien faire pour elle. Intrigué par la voyageuse, il va partir à sa recherche pour l’aider dans sa quête. Il se trouvera lui-même, un peu, fera d’étonnantes rencontres et la retrouvera, elle.
Quant à la rivière Qjar... c’est la rivière qui coule à l’envers savez-vous ?
Là encore, l’album laisse le temps aux auteurs de développer l’intrigue, de poser une atmosphère. Une adaptation réussie pour une belle histoire, avec un dessin lumineux. Le volume est complété par une présentation du romancier et quelques lignes sur le cycle de l’eau.
Alternant adaptations de grands classiques et de romans contemporains, cette nouvelle collection propose de belles lectures dans de beaux objets. Car une BD peut aussi être un beau livre et nous avons ici un papier de qualité, une couverture à impression gaufrée et un signet en tissu.
Nous nous interrogeons toutefois sur la pertinence d’une énième adaptation d’un texte, certes connu, mais déjà adapté avec succès. Encourageons plutôt l’originalité !
(par Jérôme BLACHON)
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