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Jean-Yves Ferri : « Les gens de mon village ont reconnu Aimé Lacapelle ».

Par Nicolas Anspach le 7 juillet 2007                      Lien  
{{Jean-Yves Ferri}} sévit dans le magazine {Fluide Glacial} avec son personnage {Aimé Lacapelle}. Il met en scène des paysans attachés à leurs racines et confrontés à la vie moderne. Ferri use avec bonheur d’un patois inspiré de celui du Tarn, qui donne à la série un aspect presque exotique. Ferri est également le scénariste de la série best-seller {Le Retour à la Terre} aux éditions Dargaud.

Les deux séries que vous écrivez, « Retour à la Terre » et « Aimé Lacapelle », ont pour cadre la campagne. D’où vient cet amour du terroir ?

C’est une attirance naturelle. J’ai vécu principalement à la campagne, et c’est sans doute ce que je connais le mieux. Dans le Retour à la Terre, je donne le point de vue du citadin sur la ruralité. Tandis que dans Aimé Lacapelle, je m’attarde sur celui du paysan, celui qui cultive la terre.

Etes-vous issu de cette campagne profonde ?

Plutôt ! J’ai encore de la famille qui vit dans ce monde-là. Les personnages du Retour à la Terre sont des gens que j’ai côtoyés. Il en va de même pour la série que je publie chez Fluide Glacial, Aimé Lacapelle. Quand j’ai sorti le livre, certains habitants du village dont je suis issu ont cru reconnaître Aimé. Il y ont vu un des habitants du village : Gustou, un entrepreneur agricole que je n’ai jamais connu.

Jean-Yves Ferri : « Les gens de mon village ont reconnu Aimé Lacapelle ».Vous favorisez un double niveau de lecture comme René Goscinny…

C’est vrai. On me l’a souvent dit, et cette compraison m’émeut. J’essaie de partir de petites choses vécues ou observées et de tisser mes histoires ou mes gags sur cette base. A cela s’ajoute le patois, inspiré de celui du Tarn, que je modifie à ma guise pour favoriser la lisibilité du Retour à la Terre. Je trafique donc l’occitan en le francisant, tout en essayant de garder une couleur, une tonalité.

Votre écriture est-elle différente lorsque vous travaillez avec Manu Larcenet ?

Certainement. Je suis beaucoup plus peinard lorsque je travaille, seul, sur Aimé Lacapelle : Je ne dois pas me coltiner ce « putanier » de Manu Larcenet. Ne vous inquiétez pas pour cette phrase, il est habitué à de tels propos. Nous nous parlons par injure interposée.
Ceci dit, je n’ai pas la même approche pour les deux séries. Je ne suis pas un dessinateur aussi instinctif que Manu. Je ne prends pas forcément tous les jours du plaisir à illustrer mes scénarios. Il m’est donc agréable de n’assumer quelque fois que la partie pointue et précise de ce travail.

Vous aimeriez abandonner le crayon ?

Non. J’ai des idées sur le dessin. Mais on m’encourage à prendre les devant, et écrire pour d’autres. Ceci dit, j’ai encore quelques projets, en tant que dessinateur, que j’aimerai mener à terme. Il faut avant tout qu’il y ait une rencontre avec un dessinateur pour déboucher sur une éventuelle collaboration. Le Retour à la Terre n’aurait pas pu être créé pour un autre dessinateur que Manu Larcenet. Cette série ne serait jamais née des suites d’une commande, par exemple.
Je ne suis pas un mercenaire de l’écriture comme certains. Il faut qu’une complicité s’instaure avant d’écrire pour d’autres !

Pourquoi ne pas donner vos projets personnels à d’autres ?

Je les vois en tant qu’auteur complet ! Des images me viennent à l’esprit lorsque j’invente ces histoires. Lorsque j’ai reçu les premières pages du Retour à la Terre de Manu Larcenet, j’ai été frappé de ne pas y reconnaître mon univers. Mais cela fonctionnait, et lui ai directement laissé carte blanche …

Comment décrirais-tu l’esprit Fluide Glacial ?

Il est personnifié par Gotlib lui-même. Si on gratte un peu, on s’aperçoit que l’humour de Fluide Glacial, à son origine, était un peu triste. Gotlib se servait de la bande dessinée comme exutoire et pour rire de ses drames personnels. Il y a aujourd’hui une évolution dans le journal avec des auteurs différents. Mais c’est vrai que l’on peut construire des histoires amusantes pour ce journal sur des thèmes dont on ne rit pas forcément…

Les réunions mensuelles où vous réalisez les fameuses « marges » [1] participent à créer un esprit …

Sans doute. Mais je n’y vais quasiment jamais. J’habite dans les Pyrénées. C’est toujours exotique, pour moi, d’aller « aux marges ». Mes collègues me font souvent part de petites réflexions sur mon éloignement, telles ques : « Quelle est l’odeur étrange qui parfume ta chemise ? ». Je leur réponds que c’est celle du feu de bois…

Quels sont vos projets ?

A court terme, j’aimerai installer un poêle norvégien dans ma maison. C’est planifié pour septembre, et je suis en pleine phase de documentation. C’est important d’avoir le bon gabarit pour une bonne combustion (Rires).
Blague à part, je vais réaliser un album Poisson Pilote en solitaire. Je vais changer d’univers, puisqu’il s’intitule De Gaulle à la Plage. Nous retrouverons le Général durant sa traversée du désert après la Seconde Guerre mondiale. Je vais m’attarder sur l’année 1956, où il part à la mer avec sa famille. Je raconte son histoire sous la forme de gags en une demi plage dans ce contexte particulier.

Et la suite ? Cela va être Chirac chez les Hariri ?

(Rires) Non. Ce projet est prévu en un album.

Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce projet ?

Je maîtrise le format du gag en une demi page depuis le Retour à la Terre. Mais je voulais pousser cette pratique vers un humour un peu plus fou, plus délirant. Dans ma série avec Manu Larcenet, je dois respecter une certaine logique et tenir compte d’une évolution normale des personnages…

Pas d’autres projets ?

Nous envisageons, Manu Larcenet et moi, un projet secret mettant en scène un personnage principal portant continuellement un habit et un chapeau un peu bizarre [2]… Mais il est encore un peu trop tôt pour vous en parler. Il s’agira d’un one-shot…

(par Nicolas Anspach)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Photo : (c) Nicolas Anspach.

[1Chaque mois, une partie des auteurs de Fluide Glacial réalise des dessins dans les marges des pages rédactionnelles du journal. Les auteurs se réunissent souvent dans un restaurant.

[2Le post du 17 mai 2007 sur l’ancien blog de Larcenet est-il une piste ?

 
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