C’est un témoignage à charge contre la BAC. Derrière un titre accrocheur, cet album adapté de l’enquête du sociologue Didier Fassin en 2011 cache son jeu. Car contrairement à ce qu’affirme le chercheur, sa démarche ne peut revendiquer le statut d’ethnographie dans la mesure où celui-ci connaît le milieu étudié, (par la presse, et ses propres opinions) et nourrit à son égard de nombreuses critiques. Fassin confirme par son travail l’image qu’il avait de ces "forces de l’ordre" au départ.
Qu’apprend-on ici ? En séjournant dans un service de police durant plusieurs mois, l’universitaire a pu assister aux patrouilles, aux interpellations, aux confrontations dans les commissariats et aux conversations entre les policiers. Le tout en grande banlieue, avec une population issue des quartiers populaires et essentiellement de français d’origine africaine.
Les membres de la BAC s’y montrent systématiquement violents, racistes, provocateurs, sympathisants de l’extrême-droite et se présentent en situation de guerre. Les exemples décrits dans l’album, avec le dessin inspiré par la photo, très graphique, chargé d’aplats, font froid dans le dos. Le "jeune" y apparaît comme une cible désignée par des flics violents prêts à tous pour constater un délit.
Les auteurs attendent la fin de l’album (une sorte de postface actualisée, l’enquête de base datant de 2005) pour donner des éléments de comparaison. Mais annoncer que les bobbies anglais font moins de dégâts que les cops de l’Oncle Sam n’a pas la même signification que des chiffres hexagonaux. Ici, pas de comparaison Paris/Banlieue/Province, pas de statistiques du ministère, et pas grand chose sur les éducateurs de rue qui tentent d’éteindre les incendies.
Fassin, qui avait été sollicité par le gouvernement d’Emmanuel Valls (vers 2012) pour améliorer les relations entre la police et la population, a des raisons de rester indigné. Rien n’a changé et le contrôle au faciès continue. Mais cette BD aurait gagné à préciser son sujet : les violences policières et leur quasi impunité.
(par David TAUGIS)
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La Force de l’ordre - Par Didier Fassin, Frédéric Debomy & Jake Raynal - Seuil/Delcourt
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