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"No Guns Life" de Tasuku Karasuma : robots ou humains ?

Par Jaime Bonkowski de Passos le 23 décembre 2020                      Lien  
Un monde cyberpunk, un peu de philosophie et une bonne dose de violence brute : voilà ce qui compose "No Guns Life". Décapante série de science-fiction "hard boiled" au croisement de "Gunnm", "Cyberpunk 2077" et "Metropolis", on y suit les aventures d'un privé à tête de révolver qui trace sa route à grand coups de poings dans un monde sans pitié. Avant la sortie du tome dix en 2021, retour sur une œuvre-culte.
"No Guns Life" de Tasuku Karasuma : robots ou humains ?
No Guns Life © by Tasuku Karasuma / SHUEISHA Inc.

Il y a dix ans, une guerre mystérieuse a ravagé le monde. Pour la mener, les forces en place n’eurent d’autre choix que de recourir à une technologie nouvelle : l’amélioration des soldats par des gadgets cybernétiques pour faire d’eux des armes humaines appelées Extends.

Des ruines du conflit s’est élevée Berhuren, l’entreprise qui a développé et commercialisé cette technologie. Aujourd’hui méga-corporation plus puissante encore que les gouvernements, elle fait véritablement sa loi dans une mégapole tentaculaire et anonyme, théâtre de l’intrigue.

Au cœur de cette ville ultra-violente et corrompue, on suit les pérégrinations de Juzo Inui, un Extend de type "Gun Slave Unit", modèle le plus performant et destructeur durant la guerre. Désœuvré après les fin des affrontements, il s’est reconverti en tant que détective privé spécialisé dans les affaires impliquant les Extends.

Guidé par une morale inflexible et des capacités de combat hors du commun, son quotidien est bouleversé lorsqu’il croise la route de Tetsuro, un gamin traqué par Berhuren qui implore sa protection. S’engage alors pour Juzo l’enquête la plus périlleuse de sa carrière...

No Guns Life © by Tasuku Karasuma / SHUEISHA Inc.

Ce qui frappe à la découverte de No Guns Life, c’est avant tout la qualité du dessin. Dans un style fourmillant de détails, l’auteur excelle autant dans la représentation de décors grandioses et oppressants que dans le Charac Design de ses personnages. Tout particulièrement avec son héros Juzo : un homme à tête de flingue batti comme une armoire à glace, transpirant de badassitude.

Tasuka Karasuma fait preuve d’une grande inventivité dans les designs des Extends en ne s’interdisant aucune extravagance avec la déclinaison de son concept de départ : homme à tête de moto, Extend uniquement composé de bras... Ce qui occasionne des combats uniques entre des combattants aux capacités atypiques.

Les scènes de baston sont proprement splendides. Entre la puissance écrasante des coups boostés mécaniquement, les techniques spéciales permises par les améliorations des uns et des autres, et le découpage parfaitement rythmé, l’auteur nous offre une vrai masterclass du combat de robots qui, osons le dire, rivaliserait même avec les combats du maître Yukito Kishiro dans Gunnm.

No Guns Life © by Tasuku Karasuma / SHUEISHA Inc.

No Guns Life ne se contente pas de nous présenter une galerie de guerriers pour les faire bêtement s’affronter : le script est tout aussi maîtrisé que le dessin. Entre l’enquête d’inspiration polar noir, l’intrigue politique et la dimension philosophique de son propos, l’auteur nous raconte une histoire captivante.

Il s’interroge particulièrement sur le concept tout cartésien de l’existence et de l’être. Considérant qu’à chaque "amélioration" bionique, l’individu renonce un peu plus à son humanité biologique, à quel moment les Extends cessent-ils d’être des humains pour devenir de simples objets ? De même pour leur usage pendant la guerre : ils sont des canons que l’on pointe sur l’ennemi, presque sans volonté propre. Quelle devient donc leur raison d’être en dehors du champ de bataille ?

No Guns Life © by Tasuku Karasuma / SHUEISHA Inc.

Loin d’être simplement survolées, ces interrogations traversent tout le récit et l’auteur y revient sans cesse à travers les conflits intérieurs de son héros et de ceux de ses adversaires. La série alterne donc les séquences d’action survoltées d’enquête pleines de rebondissements, et de réflexions qui laissent le lecteur songeur même après qu’il ait refermé le livre. Une combinaison malheureusement bien trop rare dans ce type de manga.

À l’heure où la science-fiction revient sur le devant de la scène pop-culturelle dans tous les médiums, No Guns Life ne mérite donc que trop notre attention. Et comme l’auteur prend bien son temps dans l’élaboration de son œuvre (à peine neuf tomes en plus de six ans), on est presque "contraint" de savourer lentement, page après page, tome après tome, cette formidable série.

Pour nous aider à patienter, une version animée de très bonne facture a même vu le jour, deux saisons de douze épisodes à retrouver sur Wakanim en France. De quoi nous donner du grain à moudre en attendant la sortie du tome 10, prévue pour mars 2021.

(par Jaime Bonkowski de Passos)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782505066989

"No Guns Life" - Par Tasuku Karasuma - Kana - série en cours / 9 tomes parus à ce jour - 7€45.

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3 Messages :
  • Personnellement, j’ai toujours trouvé cette idée de personnage complètement idiote (la série est prépubliée au Japon dans Ultra Jump)

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  • "No Guns Life" de Tasuku Karasuma : robots ou humains ?
    11 mars 2023 13:46, par David Vincent

    Après le type à tête de tronçonneuse, le concept encore plus crétin du type à tête de flingue... Les mangakas ne savent plus quoi inventer, on dirait...

    Répondre à ce message

    • Répondu par Jaime Bonkowski de Passos le 11 mars 2023 à  14:30 :

      C’est dommage de ne pas être un peu curieux... La série est vraiment excellente, et vraiment vraiment pas "crétine". Lisez au moins le premier tome en médiathèque pour vous faire une idée. Et ça vaut aussi pour Chainsaw Man, ce n’est pas pour rien que c’est l’une des séries les plus marquantes de ces dernières années : au delà du concept surprenant, il y a des réelles qualités.

      Répondre à ce message

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