Sur une page Facebook dédiée, sa femme annonce : « C’est avec beaucoup de chagrin que je dois partager la triste nouvelle que Richard Corben est décédé le 2 décembre 2020 des suites d’une chirurgie cardiaque. Il manquera énormément à sa famille, à ses amis et à ses fans. Richard a été très reconnaissant de l’amour pour son art que vous, ses fans, avez montré. Votre soutien au fil des décennies a été très important pour lui. Il a essayé de rendre à votre soutien en travaillant avec diligence sur chaque œuvre d’art qui vous était envoyée. Bien que Richard nous ait quittés, son travail vivra et sa mémoire vivra toujours dans nos cœurs. »
Né à Anderson, dans le Missouri, en 1940, Richard Corben décroche son diplôme au Kansas Art Institute avant de produire des comics underground, dans une veine réaliste proche de celle de Frank Frazetta. C’est une époque où chez Warren Publishing, l’éditeur des célèbres magazines Creepy, Eerie et Vampirella, on redécouvre les comics d’horreur initiés par EC Comics quelque 20 ans plus tôt avant de mourir sous les coups de boutoir de la censure.
Mais les temps ont changé et, avec des artistes comme son compagnon de route Bernie Whrightson, Corben redonne ses lettres de noblesse et une touche artistique inédites aux histoires d’horreur, un domaine qui perdure aujourd’hui avec des séries comme Walking Dead. Dès les années 1970, Corben multiplie les illustrations dans le domaine du fantastique et de la SF avec des personnages encore plus huileux et testostéronés qu’Arnold Schwarzenegger lui-même.
Il passe dans les années 1970 d’Actuel à Métal Hurlant avec Den, un héros qui scandalise les derniers officines de la censure. Les années 1990 le voient collaborer avec des éditeurs de comics mainstream en complicité avec le scénariste Brian Azzarello, notamment sur le personnage de Hulk en 2001.
Ces dernières années, ce sont les éditions Delirium qui entreprennent de le publier, élude à son élection surprise au Grand Prix d’Angoulême, ce qui nous valut une magnifique exposition rétrospective l’année suivante. « Je dirais qu’il incarne le fantastique fantasmatique, analyse son éditeur Laurent Lerner. Celui qui fait rêver tous les amateurs d’aventure, de SF, de frissons, qui rend l’imaginaire réel, un pied dans l’extraordinaire et l’autre dans l’hyper-réalisme, alors que tout dans son travail est une démarche personnelle, sans chercher le consensus, toujours au-delà des codes, graphiquement ou narrativement... Il fait partie de ces dessinateurs de BD qui ont atteint un réel statut d’artiste, par sa quête personnelle, sa recherche permanente sur les capacités du medium à retranscrire sa propre vision, sa personnalité, en totale liberté, sa créativité et sa capacité d’innovation. Il a toujours créé son monde, même quand il adaptait des auteurs qui l’ont inspiré. »
« C’était un homme très discret, mais assez simple. Passionné, minutieux, perfectionniste, et humble, continue-t-il. Ma relation était très professionnelle, mais franche et directe avec lui. Il me disait ce qu’il voulait ou pas, parfois on échangeait et il était ouvert, toujours curieux et ouvert aux propositions, comme on a pu le voir depuis nos premiers échanges et son implication, par exemple dans Esprits des Morts) ou lors des campagnes de financement participatif (Grave, Murky World). Ça a été une chance merveilleuse de rentrer en contact avec lui, parce que j’étais d’abord un lecteur qui adorait son travail, puis de travailler sur ses livres avec lui en direct, pour les derniers titres publiés. Quand on est éditeur, on vit avec nos livres, et j’ai adoré le faire chaque instant, sachant que je pouvais en plus lui poser des questions en parler (un peu) avec lui, et qu’il était heureux de voir que son travail était respecté et proposé dans de belles conditions. »
L’éditeur envisage de publier d’autres de ses œuvres, mais dans quelques temps. « On va voir tout cela avec Dona, son épouse, dans quelques temps, mais pas tout de suite, quand elle le "’sentira" et sera prête à le faire. »
Nos bibliothèques sont définitivement prêtes à lui offrir l’éternité.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
(par Pascal AGGABI)
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