L’ordre, le respect de la hiérarchie, la vénération de l’Empereur, l’honneur individuel et familial. Ce sont des valeurs poussées à l’extrême au Japon, et en particulier dans l’armée impériale. Il nous est difficile de les appréhender à leur juste valeur, à peine pouvons-nous en effleurer les concepts. Mais ce sont bien eux qui sont à la base de toute la société japonaise, encore aujourd’hui dans une certaine mesure.
Ainsi, les généraux impériaux demandent aux soldats de Peleliu de ne pas se rendre et de résister coûte que coûte, jusqu’au dernier, jusqu’à « l’honorable effacement ». Et, dans tous les cas, de ne pas être pris vivants.
C’est ainsi qu’une nouvelle phase de la bataille de Peleliu commence, une phase à laquelle les Américains ne s’attendent pas et ne sont pas préparés : la guérilla. Mais pour qu’elle soit efficace, il faut avoir de quoi manger et boire.
Expéditions nocturnes, pillages de cadavres, tous les moyens sont bons pour trouver de quoi se battre encore un jour de plus, malgré une chaleur insupportable et une fatigue écrasante.
Nous sommes plongés au cœur de la souffrance humaine. Nous avons faim et soif avec les soldats et nous nous demandons comment ces hommes peuvent endurer autant de privations.
Tamaru est confronté à la mort, quotidiennement. Il ne se bat presque plus, il cherche simplement à survivre un jour de plus. Et, que ce soit sa conscience ou les hallucinations, il se demande aussi pourquoi il est encore vivant alors que tant sont morts, et s’il ne vaudrait pas mieux qu’il rejoigne tous ses compagnons.
La rencontre avec deux enfants survivants va lui apporter un peu de répit, avant la dernière ligne droite.
Ces deux tomes nous plongent dans le quotidien de soldats perdus, abandonnés, mais que leur loyauté empêche de se rendre à l’ennemi. Le décalage entre notre conception de la vie et leur conception de l’honneur donne au récit un mélange d’incompréhension, dans l’absurdité extrême de ce qu’ils endurent pour une bataille déjà perdue, et d’héroïsme.
Clint Eastwood avait déjà tenté de toucher ce paradoxe avec son film bicéphale Iwo Jima, le premier vu par les Américains, La mémoire de nos pères, le second vu par les Japonais, Lettres d’Iwo Jima. La situation est la même, les conséquences aussi. Si vous avez l’occasion de visionner la partie japonaise du diptyque, elle est parfaitement complémentaire à cette très belle série de Takeda Kazuyoshi.
A noter, enfin, une interview très intéressante de l’auteur à la fin du tome 4.
(par Jérôme BLACHON)
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