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Une tribune d’Ahmed Agne des éditions Ki-oon recadre la Ministre de la Culture dans Livres Hebdo

11 septembre 2021 Commenter
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ENTRE MÉPRIS ET CLICHÉS. Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la Culture en France depuis le 6 juillet 2020 nous en a sorti une bien bonne le 9 juin dernier : en réponse à une question du journal Le Monde au sujet du Pass culture, elle a eu une réponse étonnante qui a fait quelques bruits.

Dispositif porté par le Ministère de la Culture qui permet à tout jeune, l’année de ses 18 ans, d’avoir accès à une application sur laquelle il dispose de 300€ pendant 24 mois pour découvrir, le Pass Culture devait accompagner, dixit  : "les propositions culturelles de proximité et offres numériques (livres, concerts, théâtres, musées, cours de musique, abonnements numériques, etc.)"

Une belle initiative, mais, à la fameuse question du journal Le Monde, probablement en retour du fait que les jeunes en question se sont précipités pour surtout acheter des mangas, de la BD donc, la sémillante ministre s’est sentie obligée de répondre, en assermentée grande gardienne de la culture et de la légitimité de tous les arts, en plus, de toute évidence, du culte si bien encré de la sélection et du classement grand pourvoyeur de clichés : « Mais on peut entrer dans la culture par le divertissement ! Par exemple, la bande dessinée permet d’entrer dans la lecture. On peut arriver à lire Kundera en commençant par lire des Astérix !  »

Nous n’avions pas surréagi à l’époque pour commenter cette bourde, à rebours de quelques autres médias en mal d’infos estivales. Après tout, si Astérix peut être du parcours pour aider à découvrir Kundera, admettons-en l’hypothèse...

Une tribune d'Ahmed Agne des éditions Ki-oon recadre la Ministre de la Culture dans Livres Hebdo
BD franco-belge, comics, mangas, BD latine...
... Flash le sait bien, la BD, art majeur et mature, peine à s’émanciper, pour sortir des clichés.
© DC Comics.
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la Culture. Elle se divertit de ses lourdes charges ministérielles et de la lecture de Kundera en lisant de la BD.
© DR.

On comprend en revanche qu’un éditeur de mangas, un des plus créatifs et des plus exemplaires de France (ses publications ont été honorées aussi bien à Japan Expo qu’à Angoulême), ait été interloqué par cette sortie digne des routes les plus sinueuses et alambiquées : Ahmed Agne, cofondateur des éditions Ki-oon signe une tribune dans Livres Hebdo, en réaction aux propos de la ministre de la Culture.

Il fustige, lui qui est originaire de Trappes, brillant exemple de la diversité et de la justice culturelle, un raccourci facile et infondé, propre à créer des hiérarchies de lectures subjectives et arbitraires qui excluent de l’équation culturelle nombre des artistes les plus doués et les plus influents : "Une déclaration qui se veut bienveillante, mais qui témoigne surtout d’une incroyable condescendance à laquelle les acteurs du monde de la bande dessinée sont malheureusement habitués quand il s’agit d’évoquer la légitimité culturelle du genre. Politiquement, ce dérapage pas très contrôlé faisait aussi tache à quelques encablures de la fin d’une année de la BD où la question du (non-) statut des auteurs occupait tous les débats."

Et toc !

Hélas, au sein même de la bande dessinée, les hiérarchies s’installent. Et en face d’artistes de grand talent, certes, comme Meurisse, Tsuge ou Ware, hérauts d’une BD gentrifiée et du format du roman graphique si apprécié à Angoulême, on oppose la trop populaire et triviale BD « de papa » ou les mangas de genre, pour faire de l’œil à quelques solides tenants (ah çà, ils y tiennent !) de la vraie et toute digne culture, lesquels ne manquent jamais une occasion de ripoliner leur goût pour, justement, le classement, la sélection et les hiérarchies. Chapeau bas et génuflexion.

Ahmed Agne, cofondateur des éditions Ki-oon, conteste les hiérarchies et classements totalement artificiels. Bien vu, ou presque.
© Livres Hebdo, Olivier Dion.

Ah, la hiérarchie, quand tu nous tiens ! On dénonce pour tomber dans les mêmes travers ! Et Carl Barks, Morris, Akira Toriyama et Jack Kirby, ce sont des huitres ? Trop populaires ? Chacun, à lui seul, en voilà pour le coup de la hiérarchie, est bien plus grand artiste de la BD, de l’art de la BD et pas d’autre chose, que les trois cités en exemples réunis.

Il suffit d’avoir pris le temps de s’intéresser vraiment à cet art merveilleux, peut-être en descendant un instant de son piédestal ou de ses présupposés et de diversifier ses sources, pour s’en rendre compte.

Un sacré beau voyage. Encore tant pis pour Milan Kundera qui ne demandait rien.

PA & rédaction

La BD, une lecture pour éternel adolescent, loin de la réalité ?
© Dupuis, Dodier.

En médaillon : Ahmed Agne par D. Pasamonik (L’Agence BD)

Voir en ligne : LA TRIBUNE D’AHMED AGNE

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