Quoi de neuf chez les petits éditeurs ? Du bon. L’employé du Moi brouille les pistes en publiant cet album qu’on pourrait (trop) rapidement classer dans la section "histoire autobiographique".
Le scénario de Younn Locard commence en effet sur le ton du journal intime. Un jeune dessinateur de 22 ans du nom d’Yves Carlet (vous aurez compris le lien avec l’auteur) rentre d’un voyage en Chine qui lui a fait une profonde impression. Après un passage par Lille où il assiste avec des amis au premier tour des élections présidentielles françaises, il rejoint Bruxelles où il est étudiant. Yves habite en colocation avec quatre potes qui, comme lui, s’essayent à la bande dessinée.
Jusque là, tout va bien. Et soudain, la situation bascule dans l’effroi. Les animaux retrouvés morts dans la capitale belge les jours précédents n’étaient que les premières victimes d’une épidémie redoutable, le H27, qui touche aussi les hommes. Cette maladie inconnue est foudroyante. En quelques heures, la personne contaminée tousse, vomit du sang et meurt sans qu’aucun médecin ne puisse rien faire. Un cordon sanitaire est installé autour de Bruxelles. Plus personne ne peut sortir de la ville. Les cinq étudiants et leur amie Marie sont bel et bien pris au piège.
S’ensuit un huis clos étouffant, à l’échelle de Bruxelles. Les morts s’ajoutent aux morts et chacun s’épie pour déceler qui sera la prochaine victime. Le scénario s’emballe et prend le lecteur pour ne plus le lâcher. Si le découpage et les plans sont parfaitement réfléchis, le dessin et les ombres hachurées donnent un sentiment d’urgence bienvenu. Les croquis du personnage principal, intercalés à certains endroits, augmentent la proximité avec le lecteur et appuient le réalisme du scénario. La fin, qui ne repose pas sur un coup de théâtre, permet de s’imprégner un peu plus des sentiments confus liés à une sortie de crise.
Tout cela respire l’intelligence et rappelle que certains films à petits budgets (The Blair Witch Project) peuvent faire autant d’impression que les grosses productions. Imaginée au moment de l’ex-future-pandémie de grippe aviaire, l’histoire s’ancre qui plus est, et de manière inattendue pour l’auteur, dans l’actualité. Une réussite.
(par Thierry Lemaire)
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