Nos dossiers Les grandes affaires Les attentats contre Charlie Hebdo

Janvier 15

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 13 janvier 2021                      Lien  
Détaillant le procès des « complices » des attentats de janvier 2015 qui s’est ouvert en septembre 2020, Yannick Haenel et François Boucq ont suivi les audiences de bout en bout pendant deux mois et demi, le premier noircissant quelque 700 pages de notes, le second prenant sur le vif les acteurs d’un événement historique à plus d’un titre.

L’album est titré «  Janvier 2015 ». L’historien Pascal Ory, dans son essai Ce que dit Charlie - Treize leçons d’histoire (Ed. Gallimard), avait été plus radical et avait opté pour « Janvier 15 », comme on dit « Mai 40 », pour parler de ce « moment historique du XXIe siècle [dont la] violence et l’ampleur des actes que ces quelques jours ont cristallisé pouvaient dès lors apparaître comme la métonymie d’une crise plus générale. » On en sent encore le souffle de nos jours.

Quel est le but d’un tel procès ? Comprendre. Comprendre ce qui conduit au crime, comprendre l’imprégnation de l’islamisme en France, comprendre comment des jeunes gens nés dans ce pays, le plus souvent intelligents et éduqués, ont pu accompagner ou commettre de façon coordonnée les attentats contre la rédaction de Charlie Hebdo, une policière municipale de Montrouge, et le magasin Hyper Cacher de la Porte de Vincennes.

Janvier 15

Pendant toutes ces semaines, le Prix Médicis Yannick Haenel et le Grand Prix d’Angoulême François Boucq qui ont été les yeux et les oreilles de Charlie Hebdo, font défiler sur le papier ces inconnus dans toute leur incroyable humanité. La tension est palpable : les prévenus risquent de fortes peines, leur réputation est à jamais souillée. Alors ils se défendent, plus ou moins habilement.

Un compte-rendu quotidien

L’écrivain et le dessinateur rendent leur copie chaque jour sur le site de Charlie Hebdo. Ils découvrent pour nous onze accusés, leurs avocats et ceux des parties civiles, des juges… tous masqués dans cet étrange ballet filmé « pour l’histoire », comme le fut avant lui le procès de Klaus Barbie, « le boucher de Lyon ».

Le rapport du tribunal, dont l’énoncé dure quatre heures, révèle le rôle de ces individus dont la l’activité est le plus souvent appuyée sur des petits trafics. Une criminalité minable qui s’habille tantôt d’une humilité calculée, tantôt d’arrogance. « Je vais faire pire quand je sors » déclare Ali Reza Polat, complice de Coulibaly mais aussi des frères Kouachi, accusé d’avoir fourni les kalachnikovs aux tueurs.

L’ouvrage est dense, détaillé, factuel. Le massacre a duré une minute quarante-neuf secondes. On a peine à l’imaginer. Certains dessins de Boucq s’ornent ponctuellement de dialogues, comme dans une bande dessinée, avec un effet de vérité étonnant : on se croirait à l’audience !

Place aux victimes

La parole est enfin donnée aux victimes qui disparaissent si souvent devant la surreprésentation des monstres dans les médias. Il y a les morts certes, mais aussi les vivants -ou plus exactement : les survivants- qui témoignent. La lecture de ces séquences coupe le souffle. Ce sont des personnalités brisées, fragiles, mutilées qui s’expriment. Elles ont besoin de raconter. De comprendre aussi où le système -Charlie Hebdo était sous protection policière- a failli.

Enfin, il y a l’analyse de la machine à décerveler que constitue le radicalisme islamiste, une vision du monde obtuse, un double langage systématique, une haine inconditionnelle, des explications creuses… Avec ce fait imprévu : l’horreur de la décapitation de Samuel Paty qui intervient en pleine session judiciaire. C’est trop pour Yannick Haennel, qui ne peut ce jour-là se rendre au tribunal.

Ce traumatisme supplémentaire rend l’atmosphère encore plus lourde. Haenel reprend cependant le collier, écoute un à un les prévenus, puis leurs avocats, enfin le verdict. Tous sont condamnés à de nombreuses années de prison. Le glaive de la justice est tombé.

En 215 pages truffées de textes et de dessins dont un bon nombre d’inédits, Janvier 2015 – Le Procès, nous raconte d’une plume vive et virtuose et avec des dessins splendides, toute la laideur de notre époque.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN : 9782357661776

Janvier 15 – Le Procès – Ed. Charlie Hebdo – Les Échappés

 
CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Didier Pasamonik (L’Agence BD)  
A LIRE AUSSI  
Nos dossiersLes grandes affairesLes attentats contre Charlie Hebdo  
Derniers commentaires  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD