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L’Âme au bord des cheveux : la tragédie oubliée du peuple khmer

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 23 avril 2024                      Lien  
« Avoir l’âme au bord des cheveux » est une expression khmère qui signifie être mort de peur. Peur de quoi ? De mourir, d’être exterminé, soi et sa famille, englouti à jamais dans la broyeuse de l’Histoire. Cet album est l’implacable témoignage de Séra qui a vécu à l’âge de 13 ans ce moment fatal où le Cambodge, voisin du Vietnam, sombrait dans la guerre, laissant arriver au pouvoir les terribles « Khmers rouges ».

La vie pour Séra s’est arrêtée le 17 avril 1975, date à laquelle lui et sa famille aurait dû être assassinés. Il y perd son père mais il en réchappe et refait sa vie en France. Il revient dans cet album sur les circonstances de cette tragédie.

Que se passe-t-il ? Les Américains viennent de constater qu’ils ont perdu la Guerre du Vietnam et ils plient bagage, laissant les populations autochtones qui étaient leurs alliés face à l’ennemi d’hier qui ne va pas manquer de régler des comptes…

Déjà, auparavant, en mars 1969, les forces vietnamiennes sous la pression des troupes américaines et sud-vietnamiennes avaient établi des bases-arrières au Cambodge, évidemment sans le consentement du gouvernement en place. Un an plus tard, le prince Sihanouk fut démis de ses fonctions et la république khmère proclamée. La ligne de front se rapprocha de Phnom Phen et la ville fut bientôt prise par les redoutables « Khmers rouges » de sinistre réputation.

L'Âme au bord des cheveux : la tragédie oubliée du peuple khmer

L’album de Séra commence par une citation d’une chanson de David Bowie intitulée « Future Legend » où il hurle le mot « génocide », un terme dont Séra n’allait pas tarder à découvrir la signification… Il se poursuit sur une autre citation de… Gérard de Villiers, l’auteur de SAS, qui, journaliste, est alors sur le front cambodgien et documente l’avancée des Khmers rouges : il leur voit couper la tête de l’ennemi pour rapporter la preuve de sa mort et… manger son foie pour « l’empêche de revenir vous hanter… »

À peine la capitale cambodgienne est-elle investie, l’organisation du « Kampuchea démocratique » (c’est le nouveau nom qu’ils donnent au Cambodge) vide la ville de ses habitants On estime à près de 2,2 millions de personnes, soit quelque 30% de la population cambodgienne, les victimes des massacres dans le pays.

Bien évidemment, on voit bien aujourd’hui, avec l’Ukraine, la Syrie, l’Afghanistan, le Soudan… comment l’histoire bégaye : l’Occident laisse faire, la « Guerre Froide » justifiant un coupable immobilisme.

Séra et ses parents vivent dans la capitale cambodgienne. Par chance, ils en réchappent. Arrivé en France, Séra ne comprend pas le silence, sinon l’aveuglement, des médias sur ces événements. Le spectre colonial rôde encore…

Dès lors, transmettre la mémoire de ce meurtre de masse devient son sujet. Avec son dessin travaillé à partir de documents photographiques, son texte fourni et ultra-documenté, Séra procède à un fantastique travail de mémoire prenant et passionnant. Un éclairage cru, quasiment clinique, bien dessiné, qui nous aide à prendre conscience d’une histoire qui a souvent été occultée.

Un ouvrage indispensable pour comprendre le passé, mais aussi le présent.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782413024613

L’Âme au bord des cheveux – Par Séra – Ed. Delcourt

Delcourt ✏️ Sera à partir de 13 ans Histoire France Cambodge 🏆 Prix Galons de la BD 2024 🏆 Galons de la BD
 
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2 Messages :
  • Cher Didier,

    vous écrivez : "Séra et ses parents vivent dans la capitale cambodgienne. Par chance, ils en réchappent. Arrivé en France, Séra ne comprend pas le silence…"
    Vous connaissez Séra, il me semble, et donc vous savez que son père n’a pas échappé au génocide. C’est ce trou dans son cœur qui fait que Séra fait de la bande dessinée, une grande partie de son œuvre est justement pour essayer de faire ce deuil du père. C’est pourquoi je suis surpris de lire sous votre plume cette petite imprécision et que je me permets de vous ’corriger’.

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 28 avril à  19:22 :

      Vous avez raison. J’ai corrigé cette bourde.

      Répondre à ce message

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