L’ère victorienne touche à sa fin. Le plus long règne de l’histoire du royaume reste balafré par un mythe sanglant de Jack l’Éventreur. Dans les rues sombres et boueuses de Whitechapel, des jeunes femmes sont assassinées avec la plus grande violence. Qui est ce tueur sanguinaire et sans pitié que le Yard traque sans relâche et sans succès ?
Une île au faux-air de paradis, un enfant élevé par des orangs-outans et sir Arthur Livingstone, rien qui ne prédise la destinée d’un homme condamné à marquer la proximité darwinienne entre l’humain et le singe.
Arrivé à Londres comme une bête de foire, John Arthur devient un parfait gentleman. Pourtant il aime toujours arracher sa chemise et se défaire des pesanteurs de sa nouvelle société pour se réfugier dans un arbre et se sentir à nouveau libre. Il a appris à se plier aux codes de la civilisation mais quand une bête rôde et que la police demande son aide, l’instinct reprend ses droits...
Philippe Bonifay (Zoo) tente de faire revivre les grands classiques du roman d’aventure du XIXe siècle en inversant les termes habituels du genre. Il n’est pas question ici de découvertes de continents inconnus, de trésors enfouis ou de tribus farouches, mais de Londres, centre du monde et régente d’un empire sur lequel le soleil ne se couche jamais. En prenant le contre-pied de la règle, il donne à voir l’envers du décor d’une société qui se pensait comme la plus évoluée du monde et qui pourtant s’enfonçait dans la barbarie la plus crue jusque dans ses propres rues. Une civilisation du paraître où chaque homme doit apprendre à se contrôler et à maîtriser le célèbre flegme britannique.
Trois ans après un premier tome d’une excellente facture, la fin du diptyque est à la fois une réussite du point de vue narratif et une petite déception graphique. La colorisation, superbe, n’est pas en cause, Stéphane Paitreau rehausse le trait par son talent : entre les rues grises de la capitale anglaise et la lumière frondeuse de l’île sauvage, il s’exprime avec une telle maîtrise que l’on a du mal à croire que ça puisse être réalisé numériquement. Malheureusement, parfois le dessin ne s’avère pas à la hauteur de ce challenge entre corps distordus et visages crispés à l’impossible. Au centre d’une grande maîtrise, les quelques défauts semblent extrêmement marqués.
Malgré les quelques maladresses du trait et la fin un peu précipitée, le scénario entremêle avec adresse la corruption des hommes, les tourments et le déracinement d’un enfant devenu adulte loin de ses racines, et la lutte entre l’instinct sauvage et l’humanité contrôlée, dans un récit en tension permanente et sans relâchement. Dans cette jungle urbaine, le jeune Saturnin incarne seul la véritable humanité.
(par Vincent GAUTHIER)
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