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Julie Rocheleau : « Fantômas est une icône ; j’avais peur de m’en approcher. »

Par Marianne St-Jacques le 11 avril 2015                      Lien  
Depuis la parution de son premier album professionnel, {La fille invisible en 2010}, Julie Rocheleau ne cesse de récolter des prix. L’illustratrice québécoise de {La colère de Fantômas} vient de remporter un prix Bédéis Causa pour une deuxième année d’affilée. ActuaBD.com l’a rencontrée au Festival de la BD francophone de Québec.

Depuis la parution du premier tome, la trilogie La colère de Fantômas d’Olivier Bocquet et Julie Rocheleau (Dargaud), ne passe pas inaperçue. Après avoir remporté le prix Albéric-Bourgeois du meilleur album publié à l’étranger par un auteur ou illustrateur québécois en 2014 pour Les bois de justice, Julie Rocheleau récidive. Cette fois, c’est le deuxième tome, Tout l’or de Paris, qui remporte les honneurs.

Vous avez été révélée au public avec La fille invisible en 2010, album pour lequel vous avez remporté le prix Réal-Fillion aux prix Bédéis Causa. Par ailleurs, vous venez tout juste de remporter le prix Albéric-Bourgeois pour une deuxième année consécutive. Que signifient ces récompenses pour vous ?

Lors de la cérémonie, ça m’a presque fait pleurer ! Je ne m’y attendais vraiment pas ! D’avoir un prix, c’est comme si on me disait : « Ça va, tu es à la bonne place, tu n’as pas besoin de te remettre autant en question. On aime ce que tu fais. Aujourd’hui, on te fait un beau compliment. » C’est super.

Julie Rocheleau : « Fantômas est une icône ; j'avais peur de m'en approcher. »
Julie Rocheleau accepte le prix Albéric-Bourgeois 2015
Photo : Marianne St-Jacques

Avec votre collègue Olivier Bocquet, vous venez de publier le troisième et dernier tome de La colère de Fantômas. Comment décririez-vous cette expérience ? Cette collaboration ?

C’était un marathon. C’était hyper motivant même si c’était parfois difficile. En fait, c’était une sorte de joute. Il me lançait tout le temps des défis, et ça me poussait à vouloir l’épater. Alors, je lui en donnais plus que ce qu’il demandait, et lui, de son côté, aimait me challenger en m’en demandant encore plus. Travailler de cette façon donne généralement de meilleurs résultats que si l’on travaille chacun de son côté. On est également bien plus fier de notre travail par la suite. Il y a aussi plein de souvenirs et d’apprentissage qui viennent avec cela.

Comment est née cette collaboration ?

Je suis tombée au bon endroit au bon moment. J’avais envoyé un projet à Dargaud. Ils ne l’ont pas retenu, mais ils ont aimé mon dessin, alors ils m’ont proposé de travailler avec Olivier Bocquet. Il avait déjà envoyé son scénario, qui avait été accepté, mais il n’avait pas de dessinateur. On voulait voir si on allait bien s’entendre et, effectivement, on s’est bien entendu.

La colère de Fantômas par Olivier Bocquet et Julie Rocheleau, Dargaud
D.R.

Parlez-nous du troisième tome, À tombeau ouvert, qui vient tout juste de paraître.

Le premier tome, c’est la mise en place. On met la table, on explique qui sont les personnages, ce que l’on va faire. Dans le deuxième tome, il y a beaucoup plus de développement. Et le troisième tome, c’est du pur bonbon. À présent, on sait tout ce que l’on doit savoir. On peut y aller fort avec les explosions, les courses, les poursuites, les meurtres sanguinaires et les choses complètement improbables. Il y en a dans les deux premiers tomes aussi, mais dans le troisième tome, on s’est vraiment fait plaisir.

La colère de Fantômas est un récit particulièrement cruel et terrifiant. Quelle sorte de recherche faites-vous pour bien rendre l’atmosphère ?

Je pense que j’avais déjà un petit côté sombre et j’aimais déjà dessiner, mais peut-être pas à ce point, la violence et l’aventure. Parce que Fantômas, c’est aussi beaucoup d’aventure, poursuites et d’enquêtes policières. Mais par la suite, je pense que je me suis simplement laissé influencer par ce qu’il se passait. À un moment donné, tu dois dessiner le Paris d’une telle époque, on se promène dans des ruelles sombres, dans des musées de cire. Il y a toutes sortes de choses lugubres qui se passent… Alors on s’imprègne de l’histoire et on fait ce qui nous passe par la tête. J’en ai vu, des films d’horreur, des films d’action, des romans d’épouvante, des romans à suspens. C’est tout ça qui me revient en tête, en fait.

La colère de Fantômas par Olivier Bocquet et Julie Rocheleau, Dargaud
D.R.

Fantômas demeure un monument sacré de la littérature populaire du début du XXe siècle. Comment se sent-on lorsqu’on décide d’attaquer un genre comme celui-là, envers lequel les gens ont des attentes ? Quelle sorte de travail de préparation faites-vous pour bien rendre le Paris de cette époque ?

Pour Fantômas, c’est effectivement une icône. J’avais un peu peur de m’en approcher. Je me disais que les gens allaient juger mon travail par rapport à tout ce qui avait été fait avant. Ce qui m’a aidée, en fait, c’est que je ne connaissais pas Fantômas plus qu’il ne le faut. J’ai décidé de me garder bien ignorante, de ne pas regarder ce qui s’était fait en films, – sauf les films de Louis Feuillade, parce que ce sont de bonnes références historiques – de ne pas regarder les autres BD qui se sont faites, justement pour ne pas être tentée de faire pareil, de ne pas trop vouloir plaire et de ne pas trop vouloir répondre à ce que pourraient être les attentes des gens. Sinon, pour la représentation du Paris de cette époque-là, c’est fait de manière approximative. Les historiens, les lecteurs férus d’histoire parisienne vont trouver plein d’anachronismes. C’est-à-dire que oui, j’ai des références, mais j’arrange le tout comme je veux. À un moment donné, il y a un plan de Paris, mais j’ai enlevé trois boulevards importants parce que ça ne rentrait pas la dans la page et qu’on n’en avait pas besoin ! Ce n’est pas grave, c’est de la BD ! On dit que c’est Paris, ça ressemble à Paris, ça se passe dans Paris, ça suffit. Ce n’est pas un documentaire.

Julie Rocheleau en dédicaces au Festivald de la BD francophone de Québec 2015
Photo : Marianne St-Jacques

Parlez-nous de votre parcours professionnel, en tant que dessinatrice.

Je viens du monde du dessin animé. Je fais encore de l’illustration, mais ça toujours été un ‘à côté’, même si c’est quelque chose que j’adore faire. Comme gagne-pain, auparavant, je faisais surtout du story-board pour des studios d’animation et des courts-métrages. Je faisais du design de personnages. Et, comme je le disais, je faisais de l’illustration jeunesse, des couvertures de romans pour ados, et des affiches de temps en temps. Je n’en ai pas fait beaucoup, mais c’est un truc que j’ai toujours aimé faire : pour la Journée de la femme, des colloques, des petits festivals de films, de musique…

Un festival de la bande dessinée ?

Oui, cette année, j’ai eu le grand honneur de faire l’affiche du Festival de la BD francophone de Québec. C’était complètement libre dans la thématique donc je me suis fait plaisir.

L’affiche du FBDFQ 2015, réalisée par Julie Rocheleau
D.R.

À présent que la trilogie Fantômas est bouclée, quels sont vos projets ?

En ce moment, je travaille à l’adaptation du roman La petite patrie de Claude Jasmin, sur un scénario de Normand Grégoire. C’est aux éditions La Pastèque. Je suis censée le terminer pour juillet et ça doit sortir en octobre.

Julie Rocheleau en dédicaces au Festivald de la BD francophone de Québec 2015
Photo : Marianne St-Jacques

(par Marianne St-Jacques)

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