L’histoire est narrée par Alixe, la jeune paysanne faussement accusée de sorcellerie qui, depuis le précédent tome, accompagne le chevalier Baldus dans sa quête d’un remède contre la pestilence. De bibliothèques obscures en souterrains fétides, en passant par les champs de la bataille de la guerre de Cent Ans, le jeune couple recherche la clé d’un mystérieux labyrinthe tracé par un moine mort six cents ans plus tôt. Une enquête qui n’est pas de tout repos, puisque nos deux héros sont poursuivis par l’impitoyable Roland de Nerville, fanatique serviteur de la papauté, bien décidé à s’emparer de leurs découvertes.
De plus en plus refermé sur lui-même, Baldus navigue de rêve en rêve, jusqu’au bord de la folie. Cette forte dimension onirique du scénario, qui peut rappeler Hugo Pratt (le squelette qui pirouette et qui parle !), est le point fort de cet album dont l’intrigue générale reste plutôt mince. Le final est spectaculaire, mais laisse un peu le lecteur sur sa faim.
Pour donner un aspect documentaire à l’album, le récit est entrecoupé de quatre ensembles cartographiques : une carte des religions en Europe au Moyen Âge, une carte de la propagation de la peste justinienne dans le bassin méditerranéen au VIe siècle, une carte de la diffusion de la Grande Peste du XIVe siècle et un jeu de cartes sur la France dans la Guerre de Cent Ans.
Le dessin d’Éric Stalner est très maîtrisé et offre au lecteur de superbes planches, à l’atmosphère envoûtante. Celle-ci doit aussi beaucoup à la belle colorisation de Claudia Palescandolo, qui fait habilement rougeoyer les torches sur les parois ou qui glace sourdement les paysages enneigés.
Qu’on ne se méprenne pas : le Moyen Âge dessiné ici est très fantaisiste, que ce soit dans l’habillement des personnages, les accessoires ou les bâtiments représentés. La recherche documentaire s’est faite a minima. L’impression qui se dégage est très théâtrale, comme ces scènes de la cour pontificale où le pape caresse nonchalamment un bouc devant ses visiteurs.
La scène d’ouverture, dans la bibliothèque du palais d’Avignon, est quant à elle directement inspirée du film de Jean-Jacques Annaud, Le Nom de la rose (1986), avec un moine ressemblant fort au vieux Jorge. La fuite de ce couple, un peu en apesanteur, à travers les villages dévastés et les châteaux désertés fait penser au Hussard sur le toit de Jean-Paul Rappeneau (1995). Ces références, conscientes ou inconscientes, participent à créer une ambiance romanesque très prenante. Un bon moment de lecture !
Voir en ligne : présentation de l’album sur le site de l’éditeur
(par Paul CHOPELIN)
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La Grande Peste. T. 2. Le Labyrinthe et la guerre - Par Éric Stalner (scénario/dessin) et Cédric Simon (scénario) - Les Arènes BD - 118 p. - 20 €.
Le T. 1., Le Quatrième cavalier, est toujours disponible chez l’éditeur : https://www.arenes.fr/livre/la-grande-peste/